Tandis que je me préparais à écrire sur le jeu Frostpunk pour mon premier avis partagé sur Senscritique, quel ne fut pas mon coup de foudre, l’appel divin, l’épiphanie faite film au moment de regarder Death Kiss, déjà dans ma réserve de films à mater depuis quelques semaines tant le simple fait de voir un faux Charles Bronson singer le vrai dans un vigilant movie suffisait à me tirer des larmes de rire ? Est-ce que Death Kiss est un bon film du genre ? Pas du tout. Est-il un bon film ? Loin s’en faut. Reste tout de même de cette zederie fauchée et plus fasciste que le produit qu’elle contrefaçonne, sans en approcher l'impact, le sentiment d’avoir passé un moment qui aurait pu être pire en compagnie d’une bouse qui aurait pu être meilleure.

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Il s'appelle Robert Kosplay

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Pour incarner notre moustachu amateur de balades en imper’ dans les lieux de déperdition d’une ville que la pluie ne suffit à nettoyer, Robert Kovacs, dit Robert Bronzi, campe ici un certain K, référence évidente au livre de Dino Buzatti mettant en scène un monstre moins dangereux qu’on l’imagine. A moins que K ne soit qu’une astuce de kéké pour semer le trouble entre Kovacs et Kersey Paul, le personnage du film Un justicier dans la ville, premier opus loin de promouvoir la justice sauvage, bien au contraire. En effet, il était alors question d’un homme pacifiste détruit lorsque ses femme et fille se faisaient agresser par des voyous et que toutes n’en réchappaient pas vivantes. L’homme brisé prenait alors une arme et allait flinguer, au hasard, les délinquants sans jamais obtenir vengeance, finissant même sur un plan iconique illustrant sa folie. Folie qu’on retrouvait également dans Death Sentence, un hommage plus que correct au matériau d’origine et cette fois avec Kevin Bacon et sa tondeuse dans le rôle du père meurtri.

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Mais là, on parle de l’autre pan du style vigilant : celui qui trouve cool de condamner à mort les criminels dans un monde où la police a soit les mains liées, soit une absence totale au casting. Death Kiss embrasse à pleine bouche la seconde option, se fendant juste d’un discours évoquant l'inefficacité délibérée des forces de l'ordre sur radio facho, la radio locale vendant de la peur aux citoyens pour mieux les préparer à affronter le mal. J’y reviendrai plus tard.

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Ici, on est comme Bronzi et il est comment Bronzi ? Il est cool. Il est cool quand il va flinguer des vendeurs de chair mineure lors d’une scène d’intro supposée nous faire applaudir la « justice » de l’exécuteur, nous mettant de façon grossière dans la position de devoir admettre que des pédophiles organisant le viol de jeunes victimes ne méritent aucune clémence. Il est cool de flinguer des méchants qui sont en train de violer -toujours- la femme d’un autre méchant puni pour ne pas avoir tué sur commande. Il est cool d’hésiter à exécuter un sans-abri alcoolique qui pique le courrier des gens et fouille dans leurs poubelles. Surtout, il est cool de traquer ceux à cause de qui une de ses balles perdues a potentiellement handicapé à vie une gamine, d’autant qu’il file ponctuellement du pognon à sa mère célibataire façon héros mystérieux. Mère qui le draguera dès qu’elle discutera avec lui, à qui il apprendra à exécuter des bouteilles de soda avant qu’elle doive, je cite «  aller chercher ma fille à l’école ». Mère et pure produit américain qui gratifiera même son mécène d’une proposition de lui offrir ses charmes s’il le désire parce qu’elle pense que c’est ce qu’il cherche. Que voilà un parangon revigorant de féminisme dans le cinéma de 2018. Steven Seagal aurait accepté, lui, d'autant que l'écart d'âge est à son goût.

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Mais ne feignons pas la surprise, la petite-amie du méchant-pas-tueur violée précédemment avait bien pris le temps d’exposer sa grosse poitrine refaite durant et après les sévices, coups de poings en option. On n’a pas la chanson d’Orange Mécanique ni la réflexion sur comment on expose une scène d’ultra-violence, mais on conserve le voyeurisme, histoire que le spectateur goguenard se dise que ce n'est vraiment pas bien tout en googleant le nom de l’actrice Stormi Maya -c'est cadeau- véritable star du film du haut de son quasi million d’abonnés sur instagram grâce à sa plastique et ses couvertures de magazines. Quitte à violer une femme, autant que ça soit une bimbo qu’on peut exposer à la caméra. Le crime sexuel aussi peut être cool.

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Inutile de poursuivre les exemples ; vous aurez compris que la violence et le crapax, c’est fun de subversion et Death Kiss se fait le parangon fauché de tous ces films croyant qu’ils sont à contre-courant d’un cinéma toujours plus policé et toujours plus bien-pensant. Ce n’est pas parce que les actionners post 2010 hésitent à mettre des tatanes aux méchants et qu’il y a un complexe de la violence dans un genre d’action puritain de la moralité qu’il faut sombrer dans le graveleux. Le vulgaire, ça existait déjà avant et il faut un certain talent pour associer l’emploi de la violence primaire et le message clair que ce n’est qu’un jeu, un spectacle sans message politique derrière ni hypocrisie. Le Baiser de la Mort n’est qu’un négatif de ce qu’il croit moquer et propose une œuvre bien fasciste, toute dans un écrin de jeu vidéo mal dégrossi avec un mode Bronson pour le visage du personnage principal et des plans de vue subjective lors de plusieurs tirs, nous faisant presque sentir la sueur d’excitation sur une touche gâchette de la manette virtuelle qu’on aimerait manipuler pour tuer soi-même des vilains. Parce qu’on est cool, nous aussi et qu’après tout faire justice soi-même c’est quand même notre droit légitime, non ?

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Baldwin to the head…

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Pour nous rappeler d’aller uriner entre les scènes de pan pan trop longues et les marches en ville de Bronzi trop molles, et inversement, un homme d’une radio locale à la lumière en sous-exposition nous parle du monde et de ce qu’il faut en penser. Ne vous laissez pas tromper par ces traits familiers ; il ne s’agit pas d’Alec Baldwin, le comédien coutumier des imitations satyriques de Donald Trump, mais bien du plus Daniel des Baldwin. Lui aussi enfile un rôle de personnage abjecte, mais bien moins drôle, en expliquant aux auditeurs (qu’on espère peu nombreux) que la police embête des innocents pendant qu’on se réjouit tous de la mort de divers criminels à travers la ville. Un ballon de coke qui explose dans le vendre d’un passeur de came, c’est forcément qu’il est la pire des ordures. Il suffit de traverser la rue pour trouver du travail, aurait-il dû ajouter. Les discours du tribun à qui il manque un script offrira même l’apothéose du vomitif à effet instantané par prise auditive en exploitant l’agression d’une femme à dix secondes d’être témoin d’infanticide par deux afro-américains. le parfait fait divers pour expliquer qu’il faut se fier aux apparences et ne pas craindre d’être raciste : ça peut vous sauver la vie.

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En toute bonne foi, on comprendra tous qu’il est certain qu’un individu fringué de XXXL, tatoué jusqu’aux oreilles, qui s’approche de vous avec ses autres amateurs de bagnoles de clips de gangsta rap et qui vous bloque le passage avec ses amis dans la rue n’est pas le quémandeur de bibliothèque ascétique d’Onion movie. Mais pourquoi focaliser sur la couleur de la peau de ces gangsters des rues ? Cet exemple justifie-t-il que chacun doive se méfier et se protéger de tout ce qui, selon sa propre subjectivité, constitue une menace potentielle ? Sauvez des vies, devenez un raptor. Ou bien adaptez simplement les comportements conseillés pour votre sécurité, que votre interlocuteur soit un barbu à peau sombre ou un blond en costume, se faire encercler dans la rue ce n’est jamais la promesse d’une promenade digestive réussie. Et ne comptez pas trop sur Bronzi pour vous protéger ; si vous voyez son visage il vous ordonnera d’exécuter vous-même les truands pour vous compromettre avec lui et protéger ses petites miches de tueur en série. Ça aussi c’est du cool guy. J’en veux dans mon bubble tea.

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Un justicier dans le vide

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Reste que le film a quelques idées de plans, même s’ils sont foireux. Lorsqu’un avion qui atterrit est si flou qu’on se demande pourquoi la séquence a été gardée, on comprend que c'est l'oncle au caméscope qui va gérer le cadrage et on se raccroche à quelques notes d’intention sur les décors. Tout ne se passe pas dans un hangar ou des intérieurs. On a une colline avec une maison de campagne, une casse-auto en terrain de paint ball et même un lopin de forêt avec de la neige. De la vraie neige, même pas en CGI ! Les films de superhéros devraient prendre des notes. Bien sûr, tout est mal filmé, mais le réalisateur René Pérez a imité son globe trotteur de protagoniste en cherchant des coins à capturer. Reste à profiter de la recette de ce film pour trouver un bon éclairagiste et un étalonneur, parce que vouloir refroidir la lumière d’un extérieur ensoleillé, quand ça rend les zones à peine ombrées sur les visages des personnages vertes ou bleues, on se dit que photoshop ne se maîtrise pas en une après-midi. On rit de bon coeur en voyant Kosplay Bronson prendre la pause et on le voudrait en ami pour l’inviter à la Japan Expo et autre Made in Asia.

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Le méchant principal, qui permettra l’obtention de sa vengeance à Bronzi Fasconista offre même, outre le fait amusant d’être l’acteur qui incarnait le père kidnappeur dans Un Flic à la Maternelle, la tentative d’iconisation via un surjeu qui ne prend pas et des situations qui auraient pu être drôles dans un film moins crapoteux. La sauce barbecue sur un mec enchaîné à un arbre dans une zone à loups et grizzlies, ça avait tout pour me faire rire ! Il ne manquait que le talent et un antagoniste plus majestueux qu’un loubard qui se ferait casser les bras dans le premier niveau de Double Dragon. Au moins Mr K s’en sort sans une égratignure et continue son travail de plaie béante, là où le Punisher se serait déjà suicidé d’avoir commis les mêmes dommages collatéraux que lui. Quand on est plus discutable que le Punisher niveau morale, il faut commencer à se poser des questions.

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Death Sentence

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Au final Death kiss est un navet avec deux-trois choses tentées et dont la seule vraie réussite est l’effort fait par Robert Bronzi pour singer le père Bronson. Tout le reste est à jeter, à moins de vouloir illustrer via un exemple bête et méchant le film de type vigilant et la façon dont le fascisme y est traité. Entre « tu veux voir un film italien des années de plomb ?» et « tu veux voir un film avec un sosie de Charles Bronson ?», il ne faut pas sous-estimer la puissance évocatrice du moustachu aux bras musclés, quand bien même la qualité du produit est moindre.

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Cependant, pour comparer les zederies entre elles, ce n’est pas le pire film que j’ai vu dans cette catégorie de budget et d’ambition. Dolph Lundgren en violeur cool et JCVD en vieux beau dont la méchante vante les capacités de la bite dans un sous-marin, ça ça m'avait fait mal au coeur. Pour être honnête, je préfère un mauvais faux Bronson à un mauvais Vandamme. On ne peut casser ce qui n’a jamais été que de la poussière. Deux étoiles, c'est pour l'effort des scènes en extérieur, Bronzi et parce qu'on reste au-delà de la plupart des films de youtubeurs.

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Bref ! Pour ceux qui n’auront pas lu, je recommande chaudement. On n’est pas loin du niveau du premier film de Michael Winner.

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le 23 mai 2023

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