À quoi reconnait-on un grand nanar?

La première composante essentielle qui vient à l'esprit du profane est une production au rabais, conséquence directe d'un budget avoisinant celui d'un porno amateur.
Il y a pourtant des nanars de luxe qui se donnent les moyens de leur absence d'ambition.
Fausse piste.

L'inculte se dit alors, tout naïf et charmant qu'il est, qu'un jeu d'acteur caricatural, inexpressif ou sur joué propulse instantanément un film au panthéon de la catégorie.
Faux. Archi-faux.
D'autant que Rupert Everett s'en tire remarquablement bien ici.

Le niais se tourne donc vers la réalisation.
Sont-ce ces plans audacieux, ces improbables choix de metteur en scène qui caractérisent une telle œuvre?
Tel ce ridicule looping de caméra à la signification douteuse.
Le réalisateur de nanar est un homme libre. Il ose et se permet ce que les autres craignent. Car son public est tolérant et parfois même intelligent.
Mais de nombreux chefs-d'œuvre reconnus sont parsemés de telles audaces.
Nouvelle erreur.

Désespéré, le bougre jette son dévolu sur le rapport ambigu au sexe et à la mort.
Eros et Thanatos fusionnent allègrement pour un résultat des plus malsains.
"L'amour et la mort mènent la danse" pour paraphraser Fransesco Dellamorte.
Perte de repère garantie, désillusion et désenchantement. Ces deux principaux leitmotiv de l'être humain perdent de leur superbe et deviennent curieusement secondaires.
Pour que triomphe l'amitié. Amitié universelle qui triomphe des différences, de l'amour et de la mort.
Bien mais pas suffisant.

La vérité, c'est que le grand nanar triomphe par sa cohérence, son endurance, par son courage et sa capacité à ne pas succomber aux charmes de la facilité et de la mièvrerie.
Le mauvais nanar commence exactement comme le très bon. L'introduction est brutale, doucement irrévérencieuse. Le héros a un charisme douteux mais une personnalité hors normes. Les intervenants secondaires sont plus ridicules les uns que les autres. Mais ça ne dure pas. Le mauvais nanar se vautre systématiquement dans une conclusion à l'eau de rose, saborde son travail de mise en place.
Le grand et beau nanar, lui, ne faiblit pas. Il persévère et va de plus en plus loin. Il surprend en étant rarement là où on l'attend. Il est cohérent de bout en bout, sale et crasseux mais parfaitement intègre.
Dellamorte dellamore est de cette trempe.
-IgoR-
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le 6 avr. 2014

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