C'est à Vincent Lindon que Benoît Jacquot confie le rôle de Casanova vieillissant. Ce n'est pas un sex symbol que le réalisateur met en scène : ce Casanova n'est pas le grand séducteur inscrit dans l'imaginaire collectif. Exilé de l'autre côté de la Manche, il paraîtrait même, au milieu de ces lords anglais, assez sage. Car cette histoire n'est pas celle de conquêtes, c'est celle d'un fantasme. Que se passe-t-il lorsque que l'orgueilleux libertin se voit refuser les charmes d'une jeune femme, de surcroît non fréquentable, qu'il convoite profondément ?
C'est tout le mythe de l'opulent libertin qui est remis en question.
Ce qui semble intéresser Jacquot dans cette période tardive des mémoires de Casanova, c'est la vacuité de l'existence de ces aristocrates, qui se vautrent dans les seuls plaisirs d'un quotidien sans occupation : luxure et nourriture. Des orgies, des déjeuners à la campagne luxueux et coûteux. Il n'est aucunement question d'ambition ou de jeux de pouvoirs, thèmes récurrents dans les films de Cour. Ici, les Lords sont riches, et ne cherchent qu'à dépenser leur fortune dans un dévergondage excessif.
Il ne s'agit pas, là non plus, d'une histoire de conquête.
L'archétype du séducteur semble dépaysé par son voyage londonien : il en fait part à son hôte à peine arrivé, témoin d'une défécation exubérante sur les pelouses du château. Tout au long du récit, il ne sera pas tout à fait Casanova.
Sous la forme du conte ou, plus anachronique, de l'interview, nous assistons à un récit : ce n'est pas Jacquot qui nous raconte cet épisode de la vie de Casanova, mais Casanova lui-même qui en fait part à une bohémienne juvénile. L'image de Marianne de Champillon n'est alors plus qu'un fantasme, une image méditée durant trois longues décennies. Face à elle, celles qui entourent Casanova ne suscitent aux yeux du libertin plus aucun désir, La Cornelys est telle la fleur fanée, par le temps et par la ruine, Hortense Stavenson est ignorée, trouvant plus de réconfort auprès de ses chiens qu'auprès de Casanova.
Fille de joie et de plaisir, Champillon est l'objet de désir possédée par tous mais convoitée par lui seul. Il s'agit de faire la cour à la demoiselle, et d'attiser ainsi le désir charnel pour mériter sa consumption.
C'est l'espièglerie de la jeunesse qui poussera Casanova à se lancer dans une forme de joute avec lui-même, luttant contre sa condition (le libertin qui fait connaissance en embrassant d'abord les formes) et celle de Marianne (prostituée, qui se livre à tous sauf à lui), en honorant la galanterie propre aux fiançailles.
Pourtant, Jacquot ne livre pas un film précieux : à l'image de ses personnages et de leur milieu, leur langage est vulgaire, grossier. Le rendez-vous romantique succède à une chute dans la boue, a lieu dans un lupanar et est interrompu par une femme qui confond son rôle de mère avec celui de proxénète.
C'est une romance sale, mais qui ne tourne jamais à la farce. Dès les premiers dialogues du film, Casanova l'annonce : il s'agit là d'une tragédie, d'un échec, le seul qu'il regrette. L'échec c'est de n'avoir jamais pu posséder pleinement Marianne.
Cependant cette dernière, bien que l'objet d'obsession, souffre de dialogues que l'on aurait souhaité plus incisifs, plus provocants. Il manque à ces deux personnages l'épaisseur du langage ou de la séduction, d'une relation qui nous convainque totalement de l'attirance qu'ils ressentent supposément l'un pour l'autre. À la question "quelle est cette femme qui fit flancher Casanova ?", Jacquot ne répond pas, et nous laisse dubitatif.
Même si, probablement pour cette raison, le film ne parvient jamais à installer de réelle tension dramatique, la superficialité de l'aristocratie est représentée avec panache.

Hugoxoxo
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le 22 mars 2019

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