Un cinéma peu fréquenté, une ville de province déserte par une nuit humide, un jeune homme insignifiant couvert d'un imperméable à capuche parcourant des rues sombres, des femmes égorgées à l'arme blanche...

D'emblée, Laurent Achard donne le ton. La Dernière Séance est un film de genre qui rappelle ici et là, par des références distillées aux quatre coins de l'image, aussi bien le film noir des années 1940-1950 que le film gore des années 1980 d'Argento et autres Romero. Ce n'est pas pour autant un film d'horreur stricto sensu bien qu'il en reprenne certains codes.

Le dédoublement du personnage est remarquable. Le jour, Sylvain revêt son pull-over de monsieur-tout-le-monde insignifiant et sans histoire, mais le quitte aussitôt la nuit au sortir de la dernière séance du cinéma, et découvre ainsi sa névrose (il collectionne les oreilles) et une cruauté froide digne du Anthony Perkins de Psychose. La suggestion des scènes de meurtres et le cri éperdu des victimes, hors-champ, renforcent l'horreur du geste. La caméra se tient à distance, comme pour mieux laisser libre-cours à l'imagination du spectateur. Glaçant.
Ces tonalités hitchcockiennes se retrouvent aussi dans la solitude de Sylvain qui ne vit qu'au cinéma, dans les flash-back qui dépeignent son enfance, les souvenirs d'une mère fétichiste qui collectionnait les portraits des grands acteurs hollywoodiens, et le traumatisme qu'il a vécu (il a assisté au suicide de sa mère alors qu'il était caché dans une armoire). Tous ces indices expliquent la personnalité complexe - schizophrénique du personnage qui, lui aussi, à l'image maternelle, collectionne des oreilles serties de boucles qu'il accroche ensuite aux portraits d'actrices célèbres.
Mais contrairement au personnage de Psychose, Sylvain n'a pas conservé le corps de sa mère. Il a gardé d'elle un portrait épuré qu'il attaché au mur. La photographie de la mère (Karine Rocher magnifiée) convoque l'image d'une déesse pour qui Sylvain sacrifie toutes ses victimes. Stupéfiant.

Le dédoublement de Sylvain se poursuit dans son rapport au cinéma. Il confond aisément la fiction avec la réalité. Nous-mêmes nous ne savons plus où se situe la frontière entre l'art et la vie. Et ce n'est guère un hasard si le film s'ouvre dans la cabine du projectionniste et s'achève sur le mot « fin » du film French Cancan, projeté à l'écran par le personnage même.

La richesse de la Dernière séance repose surtout sur un art maîtrisé de la mise en scène et sur l'intensité de jeu de Pascal Cervo, encore trop rare sur les écrans.
K1000
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le 7 déc. 2011

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