Récit de l'amitié d'abord, d'une amitié pure, indéfectible, à toute épreuve et improbable entre un jeune capitaine russe de l'armée, envoyé dans la taïga comme topographe et un chasseur sibérien, vieux sage de la forêt, nommé Dersou Ouzala. Leur amitié représente l'union antagonique des extrêmes: le savoir et l'empirisme, la culture et la nature, la science et la croyance, la jeunesse et la sagesse, le groupe et l'individu, le fermé et l'ouvert, la domesticité et la liberté, etc. De cet amalgame naît une synthèse aussi étrange que symbiotique, vitale pour l'un et l'autre.
Puis aussi récit parabolique, sorte de leçon sur l'Humanité, entre anthropologie, sociologie et religiosité, en abordant des questions comme l'ouverture à l'autre, l'acceptation de la différence, le besoin de former un groupe social, le sacrifice de soi (voire le don de soi), la peur d'un au-delà invisible et omnipotent, entre autres.
Enfin récit de l'éternel combat entre l'Homme et la Nature, dont Kurosawa fait finalement un dilemme grâce auquel se déroule le récit, véritable moteur narratif du film.
Telles sont à nos yeux les différentes strates de lecture permettant de cerner ce Dersou Ouzala, nouveau coup de maître du grandiose cinéaste japonais qui domine parfaitement, comme à son habitude, le rythme de sa narration (grâce surtout à un son légendaire travail de montage). Du très grand art.