Cette épopée spectaculaire fut tournée en 70 mm en Union Soviétique alors que le grand metteur en scène japonais Akira Kurosawa connaissait une étonnante défaveur dans son pays. Le succès international de Dersou Ouzala et l'Oscar du meilleur film étranger contribuèrent à restaurer la réputation du cinéaste, mais son approche discrète servit aussi à rappeler qu'il était un véritable maître, pas seulement un habile fabricant de films de samouraïs. Cette œuvre vaste, dominée par des paysages vides impressionnants, est aussi une histoire intime à deux personnages bâtie sur des gestes ordinaires et l'évocation simple d'un amour profond entre des contraires apparents.
Situé en Sibérie au début du XXème siècle et inspiré d'un ouvrage de Vladimir Arseniev, le film tourne autour des rapports entre un officier cartographe (Youri Solomine) et Dersou (Maxime Mounzounk), vieil homme des bois aux jambes torses recruté comme guide de l'expédition. A travers des accrochages mineurs avec des bandits et une lutte majeure avec les éléments, Dersou montre sa force et la connaissance de son environnement. Dans la scène la plus intense du film, alors que la tempête menace, les héros se servent d'un théodolite et d'herbes pour construire un abri qui leur sauvera la vie. Le film parle de la vulnérabilité et de la bravoure de l'homme dans l'immensité de la création mais développe son vaste thème par l'accumulation de petits détails.
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Au début, les compagnons de l'officier trouvent Dersou ridicule mais il apparaît bientôt que sa sagesse naturelle le rend beaucoup mieux adapté qu'eux à un environnement étonnamment dur, imprévisible et dangereux. Cinq ans après l'expédition initiale, l'officier revient en Sibérie finir son travail et se réjouit de retrouver Dersou, mais il découvre que la santé du vieil homme est déclinante : Dersou a peur de devenir aveugle, il craint que tous les tigres de la région ne le traquent pour venger un grand félin qu'il a tué. Le cartographe bien intentionné tente de prendre Dersou chez lui dans une région plus civilisée, mais il s'aperçoit que si le vieil homme a pu l'aider à survivre en Sibérie, il n'est pas lui-même capable de lui rendre la pareille en l'adaptant à la société.