L’humilité est le premier mot qui me vient à l’esprit pour décrire le film Dersou Ouzala d’Akira Kurosawa. Ce film sorti en 1975 était un projet qui lui tenait à cœur depuis des décennies. Basé sur le livre éponyme de Vladimir Arseniev publié au début des années 20, le film raconte une rencontre qui bouleversa le « capitaine russe» Vladimir Arseniev, celle de Dersou Ouzala, un chasseur golde (une minorité de quelques milliers de personnes en Russie orientale) qui ne faisait qu’un avec la taïga. L’humilité de la vie de ce chasseur va rendre possible cette relation maître/apprenti qui est d’une discrétion et d’une pédagogie propre à ce petit homme, Dersou. L’humilité de Vladimir, faisant abstraction de tout apartheid social ou ethnique, est bien sûr essentielle dans cette balance, cette harmonie qui va régir cette relation.


La nature de la région d’Oussouri est envoutante. Le film est coupé en deux parties qui sont fortement contrastées en termes de paysages. La première, qui est marquée par la rencontre, a lieu en hiver, alternant forêts enneigées et des plaines qui, tels des déserts blancs, s’étendent à pertes de vues. La seconde, qui débute par les retrouvailles, montre les forêts denses et humides du printemps puis les magnifiques couleurs de l’automne, court répit avant un nouvel hiver glacial.


Certains, dont moi, verront dans ce film un bel espoir que la lutte des classes n’a pas lieu d’être. Arseniev, intellectuel et certainement issu de la bourgeoisie, est tout sauf hautain envers Dersou, car il comprend tout de suite qu’il a beaucoup à apprendre et que tout ne se trouve pas dans les livres et son éducation. Dersou, quant à lui est heureux de partager son savoir avec son « capitaine » et le respect qui lui voue n’a en rien à voir avec une quelconque convoitise ou jalousie.


L’esprit de la nature, représenté par le tigre, majestueux et terrible, est une puissance au-dessus de l’humain. Pour Dersou, chaque chose à une âme. De ce fait, tout doit être respecté. Conscient de cette toute puissance, cet enfant de la taïga en a également une peur bleue. Au moment où il estime avoir offensé la nature, en tirant sur un tigre, Dersou sait que l’affront ne restera pas impuni.


Dersou Ouzala est sans doute l’amitié la plus harmonieuse, la plus humble et la plus improbable vue au cinéma. Une belle histoire dont la morale pourrait être



Vous allez vous aimer les uns les autres bordel de merde !


Vincent-Ruozzi
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le 6 févr. 2016

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Vincent Ruozzi

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