Une sobriété salvatrice sous les atours de la comédie
À la suite d’un accident automobile aux conséquences dramatiques, Suzanne se voit déchue de la garde de ses enfants et contrainte, nolens volens, d’intégrer un établissement spécialisé dans le sevrage des dépendances éthyliques.
Une comédie respirable sur un sujet asphyxiant
À première vue, Des jours meilleurs pourrait être pris pour l’énième variation sur le thème du rebond existentiel parsemé d’embûches, dont le cinéma hexagonal semble friand. Et pourtant, derrière les contours familiers d’un récit de reconstruction, le film ménage une respiration salutaire, par le biais d’un ton résolument comique, mais jamais burlesque, qui permet au spectateur de reprendre souffle face à la gravité du sujet abordé : l’alcoolisme, et plus précisément celui, trop souvent passé sous silence, des femmes.
Car enfin, aborder frontalement ce fléau dans sa déclinaison féminine, c’est s’attaquer à un angle mort du cinéma français, à un tabou feutré, une pathologie socialement inavouable dès lors qu’elle s’inscrit dans des corps supposément voués au soin et à la retenue. Il fallait, pour cela, un regard dénué de condescendance, capable de faire affleurer la vérité sans l’exhiber, et de dénoncer sans dramatiser outre mesure. À ce titre, le film s’illustre par un traitement d’une sobriété exemplaire, sans jamais sombrer dans le pathos lacrymal ni l’exagération scénaristique.
Une lumière filtrée, un optimisme sans emphase
Le récit, s’il ne verse ni dans l’édification moralisante ni dans le misérabilisme compassé, s’ouvre sur une tonalité que l’on pourrait qualifier, sans trop de forfanterie, d’optimiste, mais d’un optimisme filtré, comme tamisé par les heurts de l’existence. En mettant en scène une femme contrainte d’affronter ses démons avec un courage sans ostentation, le film distille une leçon de vie pudique, qui touche non par sa grandeur mais par sa justesse tranquille, son refus des effets spectaculaires.
Il y a là, dans cette peinture d’un quotidien chaotique mais tenace, quelque chose de l’ordre d’un réalisme gracieux, presque modeste, mais infiniment juste. La caméra épouse les hésitations, les chutes, les relèvements successifs sans jamais appuyer — comme si elle s’effaçait pour mieux révéler la vérité du combat mené.
Une échappée désertique qui désaccorde la partition
Néanmoins, il faut bien le reconnaître, l’épisode du rallye dans le désert marocain — auquel le récit s’adosse dans son dernier tiers — constitue une césure narrative déconcertante, pour ne pas dire un faux pas léger, mais sensible. L’élan comique s’en trouve comme suspendu, et le cœur du propos — la lutte intime, quotidienne, tâtonnante contre l’alcoolisme — se dilue quelque peu dans les oripeaux d’une aventure extérieure, certes symbolique, mais trop déconnectée de l’intériorité du personnage.
Cette séquence, axée sur l’objectif, le dépassement de soi, instaure une rupture de ton qui, si elle se veut galvanisante, laisse en creux une impression d’affaiblissement dramatique. Le désert, censé représenter l’épreuve ultime, devient malgré lui un écran au lieu d’un miroir, et la fin du film, sans être ratée, s’en trouve moins percutante, moins habitée qu’elle n’aurait pu l’être si le scénario était resté plus intimement arrimé à l’expérience du sevrage.
Conclusion : une traversée imparfaite, mais salutaire
Bref, cela s’impose comme une œuvre rarement convenue, qui ose aborder un sujet trop longtemps relégué aux marges, et le fait avec justesse, humanité et une indéniable intelligence de ton. Si l’échappée finale dans les sables marocains peut déconcerter par son décalage narratif, elle ne parvient pas à ternir l’impression globale d’un film sensible, nécessaire, et discret dans sa beauté.
Une fresque discrètement lumineuse, aux contours imparfaits, certes, mais dont le souffle — qu’il soit comique ou tragique — porte en lui une sincérité peu commune.