Les Cuarón sont très existentialistes. Il n’y a qu’à voir leur collaboration à l’écriture de Gravity, fable spatiale sur un être en errance. Pour son deuxième film, Cuarón Junior met à mal des immigrés mexicains voulant rejoindre les Etats-Unis par le désert. Ereintés par une chaleur suffocante, le climat va devenir le dernier de leurs soucis quand un fou allié décide de les prendre en chasse pour les tuer un à un…


Doté de très peu de dialogues et d’une unité de lieu particulière, Desierto est un exercice de style au potentiel indéniable. Doublé d’une inquiétante bande son concoctée aux petits oignons par Woodkid, Jonás Cuarón fait du désert un terrain de jeu chaotique. Vu par le chasseur, les mexicains ne sont plus considérés comme des humains, mais comme des bêtes. Chacune de leur mort semble aussi anecdotique que le trépas d’un lapin. Si la chaleur du récit transpire du cadre, le propos est néanmoins d’une froideur implacable.


Mais passé ce concept attirant, le réalisateur ne tient pas toutes ses promesses. S’inspirant du formidable Duel de Spielberg, Desierto n’a pas sa grandeur, ni son mysticisme. Dans l’œuvre de 1971, le traqueur n’a pas de visage et ses intentions de tuer ne sont jamais déchiffrées. Ici au contraire, le tueur américain est aussi transparent qu’un oasis désertique. Grand méchant raciste, solitaire et replié sur lui-même, ce personnage n’a que trop peu de reliefs. Interprété par le fabuleux Jeffrey Dean Morgan, ce dernier semble plus à l’aise pour donner vie à des monuments de comics (le Comédien de Watchmen et le Negan de Walking Dead, c’est lui). En dépit d’un charisme étincelant, il ne fait en effet que répéter les rôles de bad guy qu’il a pu avoir à de maintes reprises.


Mais c’est bien l’ensemble narratif de Desierto qui s’avère être bancal. Ici, certains passages vont jouer admirablement bien avec cet espace aux cachettes inexistantes. Là, l’acharnement des protagonistes à tuer/survivre fascine autant qu’il rebute. Mais Cuarón ne maintient pas assez la tension dans toutes ses séquences, au caractère répétitif. Loupant un final que l’on aurait pu prévoir facilement, le long-métrage aura toutefois eu le mérite de construire un personnage effrayant et inattendu : le chien du chasseur, véritable machine à tuer et à la cinégénie manifeste.


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Hugo_Harnois_Kr
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le 6 mai 2016

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Hugo Harnois

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