Désir de femme
6.9
Désir de femme

Film de Douglas Sirk (1953)

Un numéro de Sirk au final décevant

Barbara Stanwyck n’est pas seulement l’interprète de la séductrice vénéneuse dans Assurance sur la mort de Billy Wilder. Dans ce mélodrame de Douglas Sirk (spécialiste du genre) elle joue Naomi Murdoch, une femme complexe. En effet, Naomi a fui sa famille et la charmante bourgade de Riverdale pour devenir actrice de seconde zone à Chicago.


Le film date de 1953 mais l’action est située au début du vingtième siècle. Autant dire qu’en choisissant comme personnage central une femme qui abandonne mari et enfants pour vivre sa vie, Sirk aborde un sujet délicat. Naomi a carrément coupé les ponts depuis probablement une dizaine d’années. C’est en recevant une lettre de sa fille Lily qu’elle se décide enfin à donner signe de vie. La raison principale en est le ton de profonde admiration employé par Lily. L’autre raison est que Lily l’invite à assister à une représentation théâtrale donnée par la troupe de son lycée, représentation où elle a un rôle important.


On ne sait pas exactement ce qui a poussé Naomi à fuir, mais on sent qu’elle ne supportait plus l’ambiance conformiste et immuable de Riverdale. Ceci dit, quelqu’un lui fera justement remarquer que c’est elle qui a cette vision des choses. D’ailleurs, en arrivant sur place, elle trouve du changement du côté de ses enfants, forcément.


Autant dire que l’accueil est mitigé. Lily (Lori Nelson) est enthousiaste, alors que sa grande sœur Joyce (Marcia Henderson) affiche ouvertement de la rancune. Quant à Henry (Richard Carlson) qui est toujours officiellement son mari, on sent qu’il se demande quelles sont les réelles motivations de Naomi. Il se trouve que Henry envisage de refaire sa vie avec Sara Harper (Maureen O’Sullivan), l’enseignante qui a monté la pièce où va jouer Lily.


Mais ce n’est pas tout, parce qu’à Riverdale, Naomi avait un amant qu’elle voyait discrètement. Que se passera-t-il quand celui-ci sera averti du retour de Naomi ?


Ce film méconnu (même pas sorti en salles en France) mérite d’être vu, même s’il n’atteint pas le sommet que constitue Mirage de la vie (1959). Les décors et costumes sont impeccables, Sirk filme avec beaucoup d’élégance (cadrages et mouvements de caméra) dans un noir et blanc qui bénéficie d’une belle copie restaurée pour l’édition DVD et la complexité des relations entre les différents personnages apparaît bien, malgré un minutage étonnamment court : 1h13.


On peut malheureusement regretter qu’aucun autre personnage ne soit à la hauteur de celui interprété par Barbara Stanwyck qui domine largement la distribution. La crédibilité de l’ensemble est ternie par le fait que Naomi ne soit absolument pas inquiétée après un acte pour le moins répréhensible. Enfin si la conclusion est en accord avec les règles du code Hays, elle vient tout gâcher par son absence totale de crédibilité. Pourtant, le film montre bien comment fonctionne le qu’en dira-t-on à Riverdale.

Electron
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le 26 févr. 2014

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