Rachel et Rachel dans le même bateau

C’est l’éternelle histoire de cette femme ou de cet homme qui revient parmi les siens après des années d’absence, cette femme ou cet homme qui est parti(e), qui a fui, qui a été banni(e), et laissant, au-delà de son souvenir, les restes épars d’une présence, d’une rancœur ou d’un lourd secret (familial, sentimental ou les deux). Si en plus cette éternelle histoire se déroule dans le milieu juif ultra-orthodoxe dont la description des codes et des impératifs théologiques est devenue, au fil des années, presque un genre à part entière (voir Félix et Meira récemment, ou même The cakemaker), et si en plus cette éternelle histoire charrie avec elle celle d’un amour interdit (ici entre deux femmes), alors ça commence à faire beaucoup, à faire rabâché.


En soi rien de blâmable (tout se répète, tout se recycle, tout se réinvente), mais alors il faut pouvoir proposer quelque chose d’un peu nouveau, quelque chose qui se démarque. Sebastián Lelio et sa co-scénariste Rebecca Lenkiewicz, en adaptant le roman de Naomi Alderman, s’en tiennent eux à une œuvre qui manque d’ambition et de profondeur (tout reste balisé, voire très consensuel), rehaussée à peine d’une mise en scène tout en douceur, par la musique singulière de Matthew Herbert et les interprétations magnifiques de Rachel Weisz et Rachel McAdams (Alessandro Nivola s’en sort lui aussi très bien dans un rôle qui, dans ce style d’intrigue, est trop souvent laissé de côté, réduit à un cliché).


Le film repose évidemment et en entier sur la relation amoureuse se (re)nouant, vingt ans après, entre Ronit l’exilée et Esti l’obéissante, mais aborde en parallèle d’autres thèmes tels que le deuil, le devoir religieux et surtout les questionnements autour d’une liberté individuelle pensée ici en rituels, érigée en lois et en communauté. Pour Esti, cette liberté sera ce retour tant attendu (et provoqué) de Ronit à travers lequel elle construira sa propre émancipation. Émancipation que Lelio filme avec bonne volonté mais sans passion, Désobéissance se résumant in fine à un film aussi convenu qu’il est appréciable.


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mymp
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le 15 juin 2018

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