7 artistes et réalisateurs. Un thème : la pornographie.
Le pitch d'ensemble était extrêmement alléchant, le résultat pas vraiment à la hauteur de l'enjeu. Film de films, Destricted n'échappe pas au piège de cette forme filmique : l'hétérogénéité trop importante.
Le segment de Matthew Barney ouvre le bal. Hoist nous montre l'intriguant accouplement entre un personnage curieux et ithyphallique et une machine titanesque destinée à la déforestation brésilienne. Sans paroles et sans aucun autre son que celui des moteurs, le court du Monsieur Björk (quel mariage !) n'est est pas moins envoûtant. L'image est d'une beauté brute, non dénuée d'une certaine froideur. L'union homme/machine est au cœur de Hoist, mais ce propos est diffus et délivré avec une certaine poésie.
Balkan Erotic Epic, le court-métrage de Marina Abramovic, va puiser dans les origines balkaniques de l'artiste, connue pour ses performances extrêmes et ses travaux sur le génocide yougoslave. Avec malice et humour, elle met en lumière le lien profond qui unit les organes génitaux aux croyances populaires dans les Balkans, levant dès lors tout tabou autour de la sexualité. Illustrant ces petites légendes et coutumes, par de courtes séquences filmés ou de dessins animés, Marina Abramovic conclue sa part de Destricted par la présentation, tout sexe dehors d'une brochette d'hommes en tenue traditionnelle sur fond de chanson populaire. Une image saugrenue qui désamorce toute pensée scabreuse.
Suivant ces deux premiers fragments tout à fait réussis, celui de Richard Prince, intitulé House Call tombe trop vite dans le trivial et le prévisible. Filmant par caméra, un ancien porno à la télévision et désynchronisant la bande-son de celui-ci, Prince n'apporte pas de message suffisamment clair pour qu'on l'on se sente amusé, emporté ou même excité.
Quatrième acte : Impaled de Larry Clark tire radicalement son épingle du jeu. En fait, il s'agit même du plus abouti des sept courts-métrages. Le réalisateur interroge tout d'abord une douzaine de jeunes hommes, recrutés par une annonce promettant un rapport sexuel avec une hardeuse, sur leur rapport au porno (et les conclusions sont réellement surprenantes !) puis, choisit l'un d'entre eux. Il lui présente alors une dizaine d'actrice de X qui sont à leur tour questionnées sur leur métier et leur rapport à celui-ci. Le petit veinard pourra dès lors choisir l'une d'entre elle et réaliser sa première partie de sexe face caméra. Plein d'humour, fort dans son propos et surtout profondément franc et humain, Impaled transcence le message de Destricted en allant chercher la pornographie à sa source : auprès de celles qui la pratiquent et de ceux qui la consomment. Car c'est bien là que les réels enjeux du cinéma X gisent.
Le court-métrage de Marco Brambilla, Sync, est anecdotique mais amusant. Une minute de montage de centaines de scènes pornographiques, projetées à vitesse effrénée, superposées les unes sur les autres, mettant en lumière que les films se suivent et se ressemblent dans le genre le plus balisé qui soit.
Vient ensuite Death Valley de Sam Taylor-Wood. Vision étrange d'un homme torse nu, agenouillé en pleine Vallée de la Mort, se masturbant sans résultat. Pas grand chose à ajouter.... C'est d'un ennui mortel.
Le plus gros défaut de Destricted est de se clore sur le We fuck Alone de Gaspard Noé. 23 minutes d'images stroboscopiques et un montage alterné montrant une jeune fille se masturbant avec son ours en peluche et un punk se livrant à des jeux de domination sexuel avec une poupée gonflable, le flingue à la main, le tout accompagné d'une bande-son minimaliste où l'on entend une ritournelle de quelques notes et un enfant qui pleure. Extrêmement pénible à regarder, interminable et finalement tellement gratuit, We fuck Alone donne surtout l'impression d'être l'œuvre d'un cinéaste raté, faussement sulfureux, au propos sans queue ni tête, se perdant en pseudo-images chocs. La très grande réussite de Enter The Void par la suite montrera un aboutissement d'un procédé de mise en scène esquissé ici mais visiblement les débuts sont chaotiques. Et cela ne justifie pas tout.
Globalement donc et pour finir, Destricted est inégal mais comporte au moins une grande réussite : Impaled de Larry Clark qui a rarement été aussi juste que dans le documentaire, et deux réussites mineurs : Hoist de Barney et Balkan Erotic Epic de Abramovic.
Mr_Cooper
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le 29 oct. 2010

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