J'ai toujours apprécié le cinéma de Kathryn Bigelow qui n'hésite pas à s'attaquer à des sujets difficiles et à remettre sans cesse en questions les grandes décisions et événements marquants de son pays. Elle choisit logiquement de s'intéresser aux émeutes de Détroit de 1967. J'ai été soufflé dès les premières minutes où les choses s'enchaînent et s'aggravent très rapidement pour arriver à une situation de couvre-feu, et une fois n'est pas coutume chez la réalisatrice, une zone de guerre. C'est monté efficacement avec brio dans un style très percutant tout en conservant une lisibilité appréciable comme très peu de réalisateurs sont capables de le faire (Paul Greengrass seul exemple à mes yeux).
Ensuite, on s'attarde longuement sur ce qui fera le coeur du récit, à savoir une opération policière sanglante dans un motel. Fait divers réel toujours inexpliqué et dont la réalisatrice va tenter de proposer sa version. Aucun doutes possible, le film ne nous laissera plus une seconde de répit pendant un long moment. Le huis clos tourne à la tragédie, et le spectateur souffre et s'offusque. Cette retranscription soignée et terriblement prenante pourra agacer certains spectateurs puisque l'on pourra toujours juger certains personnages comme grossiers ou trop unilatérales. Je pense au flic pourri joué par Will Poulter qui peut paraître trop inhumain parfois et qui hélas sera associé trop facilement au "méchant" de l'histoire sans trop de discernements. Et puis, le physique de l'acteur est atypique et ajoute une couche non nécessaire à mes yeux. Mais outre les quelques facilités, le film demeure réfléchi et évite assez habilement le manichéisme total.
Enfin, on débouche sur une troisième partie un peu décevante qui s'étire assez inutilement en longueur à mes yeux pour reprendre bêtement les rails du biopic. C'est dommage de clôturer ce très beau film fort et haletant par un ronronnement lancinant et bien trop classique. Le grand écart est frappant.


Néanmoins, Kathryn Bigelow parvient une nouvelle fois à décortiquer avec justesse les maux les plus anciens de son pays. Le sujet est vaste et passionnant, et il est d'autant plus intéressant de s'intéresser à ces émeutes lorsque l'on connaît aujourd'hui l'impact qu'elles auront dans la mémoire collective afro américaine. Je ne peux que conseiller le majestueux documentaire sur OJ Simpson qui se révèle être le parfait prolongement de ce récit à Détroit.

Tchitchoball

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