Deux femmes
7.2
Deux femmes

Film de John Ford (1933)

« Pilgrimage » (Deux femmes) est assurément un portrait de mère unique dans l’œuvre de John Ford. Ford vénérait la sienne et il s’est, à de rare exceptions près, toujours efforcé de faire des mères de son cinéma des femmes admirables. Ainsi, lorsque le film commence, Hannah dirige seule avec son fils, depuis son veuvage, la ferme familiale. Les premières scènes, (entièrement en studio), sont bucoliques et ne manquent pas de rappeler à la fois le cinéma de Murnau et les tableaux impressionnistes (Ford adorait ceux d’Auguste Renoir). Mais rapidement le caractère possessif et tyrannique de la mère, monstre d’égoïsme, est révélé et l’Arkansas devient un endroit brumeux et claustrophobe. La lumière viendra sur le chemin de la rédemption de Paris au cimetière de l’Est. S’affranchissant des influences de Murnau et de Griffith (superbe plan du bouquet de fleur par la fenêtre du train), le fond et la forme sont étroitement associés (ils le seront dans tous les films à venir du réalisateur), donnant un style très personnel au cinéaste, ce qui est la marque des grands. Cette deuxième partie du film est essentiellement un long chemin vers la rédemption, entrecoupé de scènes comiques, comme le taxi (un cliché sur le parisien râleur), mais surtout l’étonnant personnage de cette mère qui fume la pipe et qui servira de catalyseur. D’une densité incroyable, ce déroulé où chaque plan à une signification, semble passer en un instant (96 minutes pourtant), laissant malgré cette impression de brièveté, le spectateur dans une forme d’épuisement intellectuel. Car le film est d’une densité peu commune, comme celle de la guerre en France ramassée en une minute trente cinq, où la simple et très chargée reconstitution de la photo déchirée du fils défunt (28 secondes). En dehors du travail de story-board que l’on sent immense, le film doit beaucoup à l’actrice principale : Henrietta Crosman. Grande Dame du théâtre aux USA. Elle n’est apparue que peu de fois à l’écran, et si à chaque fois elle était magnifique, elle trouva ici son plus grand rôle. Les acteurs qui l’entourent sont tous excellents (surtout les femmes du pélérinage), exception faite pour Heather Angel dont l’élégant accent anglais, très Oxford, la rend peu crédible dans le rôle de Suzanne, la petite fiancée de condition modeste. Raison pour laquelle Ford n’en voulait pas, mais elle fut imposée par la production. A cette réserve près « Pilgrimage », synthèse des images magnifique du muet, jamais polluées par des bavardages encombrants (les premières années du parlant furent une plaie) est le premier grand film parlant que Ford réalisa, les autres remontant à l’époque du muet. Le premier d’une liste dont le nombre d’item est unique dans l’histoire du septième art.

Ronny1
8
Écrit par

Créée

le 18 avr. 2022

Critique lue 18 fois

Ronny1

Écrit par

Critique lue 18 fois

D'autres avis sur Deux femmes

Deux femmes
André_Desages
9

la figure de la mère

PILGRIMAGE (Deux Femmes) date de 1933. Le biographe de Ford, Joseph MacBride, considère ce film comme un chef d'oeuvre. Le film est tout entier construit sur la figure de la mère, thème fordien par...

le 2 août 2014

1 j'aime

Deux femmes
Maqroll
5

Critique de Deux femmes par Maqroll

Un John Ford un peu larmoyant où on ne retrouve que par brefs instants la patte du réalisateur de My Darling Clementine, The Searchers ou Stagecoach, qui offre deux parties très contrastées (avant et...

le 10 juil. 2013

1 j'aime

Deux femmes
Ronny1
8

La mère d'une tragédie

« Pilgrimage » (Deux femmes) est assurément un portrait de mère unique dans l’œuvre de John Ford. Ford vénérait la sienne et il s’est, à de rare exceptions près, toujours efforcé de faire des mères...

le 18 avr. 2022

Du même critique

La Mort en ce jardin
Ronny1
6

Simone Signoret et la jungle

Dans « La mort en ce jardin » les amateurs de Buñuel retrouveront le sexe et la mort, la dictature avec la compromission de l’église, mais qui furent traités avec plus de profondeur dans les...

le 5 mai 2021

4 j'aime

Cela s'appelle l'aurore
Ronny1
7

Elle s'appelle Lucia

A la première vision « Cela s’appelle l’aurore » surprend les fans de Luis Buñuel par son académisme. Les ruelles de la ville (Bastia ?) une utilisation très contrastée du noir et blanc et une...

le 4 mai 2021

4 j'aime

1

Pour la sauver
Ronny1
7

Début chez la Fox

« Just Pal » (Pour la sauver) est le premier film que John Ford réalisa pour la Fox, son contrat de trente cinq films (dont neuf courts métrages) pour la Universal ayant prit fin. Malgré son jeune...

le 18 janv. 2023

3 j'aime