Deux jours, une nuit, neuvième film déjà des bien-aimés frères Dardenne, tourné une fois de plus en Belgique, dans leur Liège natale comme théâtre de ce pseudo-chantage tortueux, qui de loin nous fait penser à 12 hommes en colère dans son sujet. Mis à part qu’ici, le contexte est tout autre, car ancré dans une réalité sociale où, en véritables petits canards du système, les plus faibles s’affrontent et font les frais de la loi du plus fort, dominée par le patronat.

Et de cette triste fresque se détache une Marion Cotillard à son meilleur, car époustouflante de fragilité et tremblante d’émotion histoire de prouver, encore une fois, l’énorme étendue de son talent ainsi que sa propension à s’abandonner dans un rôle pour les films d’auteur. A noter qu’ici l’actrice a dû travailler sur l’accent belge, qui n’est pas une mince affaire (une fois)…

Côté cadrage, on est dans du grand Dardenne : une seule caméra, que du plan-séquence, quasi-absence de champ-contre-champ, du travelling pour passer d’un visage à l’autre, un parfait usage du hors-champ, une fébrilité humaine dans le cadrage et un travail d’orfèvre sur la composition du cadre. Ici, rien n’est laissé au hasard et chaque plan est travaillé au diapason pour servir la force du propos avec une humanité évidente dans la réalisation.

Et puis il y a cette absence totale de musique comme pour souligner toute la gravité du récit, et dire au spectateur que c’est n’est pas seulement de la fiction, mais bel et bien le récit d’une réalité. Deux chansons demeurent cependant en intra-diégétique, "Gloria" de Van Morisson et "La nuit n’en finit plus" de Petula Clark, qui viennent éclaircir l’atmosphère quelque peu pesante du récit. Et puis enfin, pas de musique au générique. Que c’est ingénieux de laisser la place au silence dans la salle. Étonnement, réflexion, respect.

Ainsi donc, Deux Jours, Une Nuit transpire comme un film essentiel qui révèle notre impuissance face au système, mais qui nous force à relever la tête au travers d’un cinéma concret, qui va droit à l’essentiel et déclame son propos sans fioritures. Là est l’épiderme de leur cinéma, dans ce cadre à la puissance unique. Car là est et restera le meilleur des frères Dardenne.
Maître-Kangourou
7

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le 4 juin 2014

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