Klapisch est un cinéaste inepte, et la grande majorité de ses films sont incroyablement surestimés. D'ailleurs je ne crois pas avoir jamais "aimé" plus de 5 minutes de son cinéma, qui mélange confusément "légèreté" et "inconsistance". Et puis Klapisch a quand même "révélé" le pire acteur français de sa génération, l'imbuvable Romain Duris à la filmographie littéralement radioactive : rien que pour ça, il mérite d'être banni des encyclopédies sur le cinéma. En cherchant bien, je ne trouve qu'une seule chose positive à dire sur Klapisch, il aime les chats, et il en a encore mis un dans "Deux moi", son dernier objet filmé...


... Que paradoxalement, j'aurais dû mépriser comme le reste de son cinéma décérébré et émasculé. Sauf que non, en fait. Bon, il y a comme toujours un redoutable manque de structure, de conviction et de talent tout court, qui empêche de tirer quoi que ce soit de consistant d'un point de départ facile mais valide : l'extrême solitude du célibataire parisien au milieu des illusions modernes (ubérisation du travail, virtualisation des rapports humains). Il y a en plus la pàlichonne Ana Girardot, transparente à force d'absence complète de personnalité, digne rejeton de son ectoplasme de père : elle oblitère par son manque criant de substance 50% des scènes du film, quand même. Heureusement, Civil fait toujours parfaitement le job, en sauvant les autres 50%, et fait même déjà pencher la balance du bon côté.


Mais ce qui a emporté le morceau pour moi, ce n'est pas seulement le jeu presque lubitschien avec les rencontres manquées et l'amour éternellement différé - une excellente idée, en effet ! -, c'est exactement ce qui a fait "sortir du film" les amateurs de Klapisch : l'ultime recours aux vieux ressorts de la psychologie, permettant aux deux "moi", avec l'aide de deux professionnels (Berléand, impec comme toujours, Cottin, moins crédible quand même...), d'espérer devenir un "Nous". Au delà des clichés, j'ai apprécié une lecture très simple et très saine du boulot du psychothérapeute, qui confère enfin un ancrage tangible à un film par trop délétère (je pense pr exemple à l'affreuse "améliepoulanisation" des scènes de l'épicerie du quartier...). Du coup, j'ai marché dans un film qui délaisse finalement la superficialité de la condamnation de la modernité pour reconnaître le poids disproportionné de nos traumas dans nos vies.


C'est surprenant de justesse.


PS : le fait que j'ai vu le film avec ma femme, psy, n'est peut-être pas innocent, non plus...


[Critique écrite en 2019]

EricDebarnot
7
Écrit par

Créée

le 13 sept. 2019

Critique lue 1.2K fois

28 j'aime

19 commentaires

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

28
19

D'autres avis sur Deux moi

Deux moi
Docteur_Jivago
7

Dans sa Bulle

S'il y a bien une constante dans les thématiques du cinéma de Cédric Klapisch, c'est de mettre en scène le passage à l'âge adulte, avec une légèreté pouvant cacher des aspects plus graves, ainsi que...

le 25 sept. 2019

41 j'aime

2

Deux moi
EricDebarnot
7

Le chat et les deux thérapeutes

Klapisch est un cinéaste inepte, et la grande majorité de ses films sont incroyablement surestimés. D'ailleurs je ne crois pas avoir jamais "aimé" plus de 5 minutes de son cinéma, qui mélange...

le 13 sept. 2019

28 j'aime

19

Deux moi
Plume231
7

L'Amour au temps de Tinder !

L'amour au temps de Tinder, de Facebook et autres réseaux sociaux. Faire des rencontres amoureuses n'a jamais paru aussi facile. Pourtant, cela n'a jamais été aussi compliqué. Bref, un des messages...

le 18 avr. 2022

27 j'aime

5

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

204 j'aime

150

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

190 j'aime

104

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

184 j'aime

25