Un temps nouveau joyau du cinéma fantastique contemporain, M. Night Shyamalan n’est plus vraiment celui qu’il était. Une carrière qui n’en finit plus de se déliter depuis son définitif Incassable, stigmatisée par ses deux derniers longs en date, véritables suicides artistiques, Phénomènes et Le dernier maître de l’air. Comme si plomber sa filmo ne suffisait pas, le réalisateur d’origine indienne semble également enclin à pourrir celles des autres. C’est vrai ça, des idées de merde qu’il n’a pas le temps de tourner, il en regorge le Manoj, alors autant faire croquer. Aussi, dans un nouveau moment d’égarement créatif, le réalisateur du 6ème sens s’est décidé à produire ces résidus de cerveau cliniquement mort pour quelques roustons (ici 10 millions de $) et de confier le tout à des petits jeunes qui n’en veulent. Voici dans les grandes lignes la genèse de ce Devil, développé à partir d’une idée du kid de Philadelphie et destiné à être suivi de deux autres Night Chronicles. Ça fait envie, non ? Bon, si le pitch de la chose ne destinait pas franchement le projet à révolutionner le genre (enfermés dans un ascenseur avec le diable, 4 individus ne se connaissant ni d’Eve ni d’Adam vont devoir subir les conséquences de leurs actes et faire face à un malin taquin), le pieux spectateur qui se fera détrousser de 10 euros pour voir la bête était tout de même en droit d’attendre une série B efficace (et roublarde ?) à défaut d’être originale. Alors, contrat – faustien – rempli ?

Devil May Cry

L’ouverture, plan aérien inversé, installe une atmosphère délétère, étrange, laissant supposer un basculement des valeurs, un monde qui marche sur la tête, terreau fertile pour le cornu, bien décidé à torturer l’esprit des pêcheurs et à soumettre les bigots à la tentation. Tremblez pauvres mortels, Satan is back from hell ! Sauf que passé cette intro intéressante d’un point de vue thématique (pour peu que l’on extrapole un minimum, sinon ça reste un plan aérien à l’envers hein…), Devil s’enfonce dans un florilège de choix scénaristiques douteux (clichés à tous les étages…) et ne collera la trouille qu’à votre petite soeur de 8 ans, celle-là même qui s’époumone à hurler le nom de Justin Bieber et mate Totally Spies. Allez, on ouvre son scénario pour les nuls édition 1986, page 2. On enferme donc 5 gus qui ont un truc à se reprocher (N.B. : à l’attention du directeur de casting, si le comédien est crédible, il n’a rien à foutre ici) et on balance parmi eux un élément perturbateur, en prenant grand soin de ce que tout le monde pige au bout de 10 minutes qui est l’intrus. A mi-métrage, on se la joue retournement de situation de gros malin histoire d’invalider la piste de l’élément perturbateur pour mieux s’achever sur un twist d’encore plus gros malin.

Descente aux enfers

Pour corser le truc, et comme il faut un mec sympa qui servira à l’identification du spectateur lambda, un flic ex-alcoolique, dont la femme et le rejeton ont été tués par un chauffard-fuyard, profondément opposé à tout ce qui relève du théologique (comment Dieu pourrait-il exister et laisser une saloperie d’ivrogne s’en sortir après avoir percuté et cané madame et fiston ?), va essayer de sauver les connards piégés. On s’en fout et on spoile comme des foufous (ça rime), le barjo du bitume se trouve dans la cabine infernale. Tiens, on ne l’avait pas vu venir celle-ci… Encore mieux, le poulet peut compter sur un agent de sécurité latinos croyant qui, lui, a tout pigé. C’est normal, il porte un collier avec un crucifix le salaud et sa mère lui racontait plein d’histoires lorsqu’il n’était encore qu’un bad boy des favelas. Et alors qu’entre deux siestes comateuses, on pensait déjà être tombé au purgatoire cinématographique (pour tous ceux qui feront fi de ces lignes et oseront braver Méphistophélès, cf la scène du lançage de toast), le final assène un message à l’idéologie d’une kermesse catho (sans la bite du prêtre dans la bouche des enfants), puisque ce déconneur d’ange déchu n’embarquera pas à son barbecue le seul qui aura le courage de confesser ses fautes et de faire vœu de sacrifice. Par la même occasion, le chanceux obtiendra l’absolution de l’inspecteur (ha oui, second spoiler de fourbe). Putain celle-ci, en 2011, fallait quand même pas avoir mal aux couilles pour la sortir de sa manche…

L’associé du diable

Pas facile avec un tuc aussi mal écrit de transformer le plomb en or. John Erick Dowdle (Quarantine, le remake de US de [Rec]…) n’est pas alchimiste. Ni bon réalisateur d’ailleurs. La gestion de l’espace est catastrophique. Heu, ne devrait-on pas se sentir un poil claustro normalement ? Allez donc mater Buried les mecs, il y a sans doute quelques trucs à piquer… Aussi, pour faire piger que les personnages deviennent timbrés à force de rester confinés, Dowdle incline ses cadres. Plus risible, face de bouc n’assaille les occupants que dans l’obscurité la plus totale. Tout est dit. Et qu’on ne vienne pas nous dire que le réal a préféré jouer la carte de la suggestion. A ce niveau là, c’est juste du foutage de gueule en même temps que l’aveu d’une incompétence crasse. Merde, je ne sais pas comment composer mes cadres, éclairer, découper la scène. Tant pis, j’éteins la lumière. La production sera contente (ça coûte que dalle, on rajoutera juste un peu de son en post-prod) et avec un peu de chance ça passera pour un parti pris formel. Bah tiens…

Projet opportuniste pas spécialement attirant sur le papier, ce « M. Night Shyamalan Presents » n’a ni le charme d’une série B 80′s (ce qu’il s’ambitionnait), ni son respect du spectateur et du cahier des charges. Terriblement con et mal branlé, ce low budget est une arnaque (comment ce genre de saloperies peut-il encore sortir en salles ?) à la hauteur de son improbable conception : une idée au rabais d’un cinéaste qui, depuis longtemps, n’en est plus un et continue de vivre sur sa gloire éphémère passée. Bref, en un mot comme en mille, Devil c’est tout pourri.

*Chronique rédigée lors de la sortie en salles
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le 10 déc. 2010

Modifiée

le 28 mars 2013

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