C'est uniquement l'objectif de me faire l'intégral Jacques Audiard qui m'a poussé vers ce film. En toute franchise, je ne le sentais pas. Un pressentiment amplifié par un accueil pour le moins très partagé des cinéphiles.


Mais bon, je me suis dit "il faut se faire sa propre opinion !", "après tout, même si tu n'aimes pas toutes les œuvres du Monsieur, tu as quand même bien kiffé Un prophète, Les Olympiades, et même Un héros très discret, plus que la moyenne même pour ce dernier, et sans crier au grand film, De rouille et d'os a réussi l'exploit de te rendre supportable Marion Cotillard". Ah oui, l'obtention de la Palme d'or ne m'a jamais encouragé ou découragé à aller vers un film.


Cent quatorze minutes plus tard : "ils ont fumé quoi les jurés de Cannes pour décerner la récompense suprême à une telle merde ?". Ben oui, c'est tellement à chier que même si je n'en ai rien à péter de ce festival, j'en viens à me poser cette question tellement ça paraît compliqué de faire un choix aussi pourrave.


Alors, les premières minutes présentant nos trois protagonistes, dans leur statut d'habitants de pays en guerre, sont irréprochables. Il y a une narration efficace, sachant aller à l'essentiel tout en faisant tout comprendre. C'est du très bon. Malheureusement, pour la suite, ça va être totalement autre chose...


Bon, c'est un film montrant la difficile adaptation de réfugiés dans un pays qu'ils ne se connaissent pas. Non, en fait, c'est un film sur les zones de non-droit comme ils en poussent partout dans notre beau pays. Ah non, c'est une histoire d'amour de deux êtres mis ensemble par le fruit de circonstances terribles se rapprochant et apprenant à se connaître ou même d'une "famille" nucléaire, papa, maman et la petite fille. Ah non, non, non, en fait, c'est un remake de Straw Dogs.


Pff... bien écrite, l'intrigue aurait pu tout à fait lier deux ou trois de ces thématiques, je ne dis pas le contraire. Mais le scénario n'approfondit aucun de ses fils. L'histoire d'amour, les séquences sont trop pudiques, trop distantes et surtout trop rares et sporadiques pour ressentir un lien qui se crée petit à petit dans le couple improvisé. Pour la "famille" nucléaire, la petite fille est très vite mise de côté. On ne voit pas là non plus de relations en train de se former entre l'enfant et au moins un de ses deux "parents" (avec les deux étant l'idéal sur le plan émotionnel !). Il y a bien trois-quatre scènes d'elle à l'école, mais c'est juste pour donner l'illusion que l'ensemble en a quelque chose à foutre de ce personnage, c'est tout. Pour Audiard se prenant pour Peckinpah (là, on peut lier le sujet des banlieues à l'éruption de violence du dernier tiers !), même reproche, rien n'est fait pour que le spectateur ressente une haine véritablement viscérale du protagoniste en train de se former contre les gangsters du coin, du moins pour justifier qu'il prenne d'un coup une machette et un tournevis pour se les faire façon Jason Bourne. Tout est balancé comme cela, cash. La progression narrative et celle psychologique, le réalisateur s'en branle complètement de chez complètement et complètement associés.


Quant à la potentielle puissance visuelle qui pourrait éventuellement ressortir de la confrontation physique finale, en dépit d'un contexte aux abonnés absents pour pouvoir partager les motivations du Sri-Lankais, la quasi-absence de violence graphique, allant même jusqu'à occulter les morts à l'écran, phagocyte cette possibilité.


Ah oui, j'ai failli oublier, il y a la partie politique, avec le colonel qui sort de nulle part et qui ne servira à que dalle par la suite. Tant qu'à faire. On n'est plus à un fil en trop près.


Qu'est-ce qui pourrait rendre ce film encore plus débile ? Réponse, le manichéisme. Oui, les Français sont tous des méchants très méchants qui ne veulent pas que les réfugiés aient une vie un minimum agréable sur leur territoire. Oh les méchants très méchants.


Heureusement que chez les Anglais (gardons le plus stupide pour la conclusion !), c'est le Paradis. Les réfugiés arrivent sans mal à vivre dans une maison confortable, dans un quartier où il n'y pas un déchet par terre, pas un graffiti, pas un dealer, pas un autre type d'herbe que celui d'un gazon bien tondu, avec une communauté solidaire. C'est un pays de gentils très gentils où tout le monde, il est trop heureux.


Je ne m'attendais pas du tout à avoir un truc bon. Il n'empêche, ça a dépassé toutes mes espérances en termes de nullité. Je le répète un bon dernier coup, Dheepan, en plus d'être un exemple "remarquable" de ce qui ne faut surtout pas faire en terme d'écriture, est une merde.

Plume231
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le 15 nov. 2021

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Plume231

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