Mirages de la télé-réalité

En sélection officielle au festival de Cannes 2024, Diamant Brut est le premier long-métrage de la réalisatrice Agathe Riedinger, prolongeant les aventures de Liane avec la télé-réalité déjà évoquées dans son cours métrage J'attends Jupiter (2017).

Peinture d'une société vivant sous la tyrannie de la télé-réalité et des réseaux sociaux (où les influenceurs règnent sur leurs followers mais en sont dépendants), ce film, poignant et fort, met en scène une jeune fille issue d'un milieu social difficile, qui rêve d'une condition meilleure et surtout d'être aimée de tous, affichant une forme d'idéal et certaines croyances, à la recherche d'une identité propre, dans un monde qui vit d'instantanéité et pour lequel l'avenir n'est plus une raison de vivre.

Pour cela, Liane capitalise à outrance sur son corps, ce qui lui permet d'être sélectionnée pour un casting final de télé-réalité, le mauvais goût affiché étant une forme de beauté; la réalisatrice dénonce ainsi l'hypersexualisation de la femme et le sexisme de ces émissions, voire la culture du viol, dans une société encore très patriarcale, mais sans stigmatiser les participantes qui pour certaines y voient un moyen de s'en sortir.

Liane est interprétée par une excellente Malou Khebizi, castée exprès pour le film dans la région de Fréjus où il est joué (la misère n'y est pas moins pénible au soleil, comme prétend la chanson d'Aznavour...); on sent bien le travail intense et abouti que fait Malou pour habiter son personnage caricatural et unique, sans doute une future actrice professionnelle ?

En attendant sa sélection pour l'émission Miracle Island qui tarde à venir, Agathe Riedinger nous montre parfaitement l'avenir qui serait celui de Liane si d'aventure elle ne l'était pas : la vie difficile et précaire avec sa mère désœuvrée et sa sœur, la relation banale avec son ami Dino, pourtant aux petits soins et qui voit en elle ce Diamant Brut, mais aussi les injonctions de la conseillère d'orientation pour un avenir "normal".

Et malgré les souffrances qu'elle inflige à son corps, on se prend d'affection pour Liane, allant jusqu’à souhaiter que ses rêves se réalisent.

Un film touchant, tourné en 4/3 avec l'effet de mieux serrer les plans autour de son héroïne, qui frappe par la justesse de son ton et de ses situations, et qui questionne sur l'évolution de notre société, ses comportements et ses croyances à l'heure des réseaux sociaux, avec quelques belles réflexions comme la mère à sa fille : "c'est quoi pour toi d'être aimée ?"

Le Diamant brut, c'est dans l'outrance, une forme de pureté, de droiture voire d'idéal de la vie, malgré les mirages de la télé-réalité !