A l’image des précédents films de la franchise, Die Hard 5 traine aussi son petit historique chaotique de production. Suite au succès de Die Hard 4 en 2007, la rumeur courut pendant plusieurs années que le cinquième opus de la saga serait une adaptation du comic Die Hard Year One de Howard Chaykin et Stephen Thompson. Au début des années 2010, il fut finalement décidé de confier l’écriture du script à Skip Woods, scénariste tâcheron, déjà coupable des scripts de Hitman, Opération Espadon et X-Men Origins Wolverine. Pour la première fois depuis plus de vingt ans, le scénariste Doug Richardson ne fut pas impliqué dans le travail d’écriture. Occupé à rater son Total Recall, Len Wiseman céda son poste au réalisateur John Moore, surtout connu pour sa médiocre adaptation du jeu vidéo Max Payne. Ce qui suffit étrangement à Bruce Willis pour rempiler, moyennant un modeste cachet de 10 millions de dollars. Produit et confié essentiellement à des équipes russes, Die Hard Belle journée pour mourir (A Good Day to Die Hard en VO) sortit finalement sur les écrans en 2013 et récolta cette fois un accueil plus que mitigé, tant par les critiques que le public. Il remporta suffisamment à l’international pour renflouer les caisses de la Fox mais fit un four sur le sol américain. Ce qui suffit heureusement pour laisser la franchise au point mort, alors même que Len Wiseman caressait l’idée de réaliser et produire un sixième Die Hard/préquelle librement inspiré du comic de Chaykin et Thompson.


Il faut dire que ce cinquième opus donne aujourd’hui l’impression de s’inscrire parfaitement dans la filmographie récente de sa star. Accumulant les rôles plus ou moins ingrats depuis dix ans dans une série de dtv et de thrillers low cost (Fire by fire, Vice, Extraction), à côté d’une poignée de films plus recommandables (Looper, Moonrise Kingdom), Bruce Willis se traine aujourd’hui une réputation quasi-similaire à celle d’un Nicolas Cage, l’aura d’une star hollywoodienne en pente descendante, enchainant les rôles fugaces pour des cachets importants dans des films souvent de piètre qualité, généralement produits et tournés à la va-vite au Québec ou en Europe de l’Est. Sorti en 2013, soit un an après le très bon Looper de Rian Johnson, Die Hard 5 était quelque peu annonciateur de cette orientation. Non pas que le film est tout entier à jeter mais sa réalisation inégale, son script minimaliste, son cadre russe et la participation en demi-teinte de Willis font qu’on peut difficilement l’apprécier comme une suite véritable des précédents Die Hard.


Les premières minutes du film ont tôt fait d’annoncer la couleur : ce nouvel opus prendra les allures d’un énième thriller sur fond d’intrigue politique russe, très loin de ce à quoi nous avait jusque-là habitué la franchise. Le concept de prise d’otages des précédents films est ici totalement évacué, de même que l’opposition avec un méchant sophistiqué (les précédents antagonistes étaient intéressants dans la mesure où ils méprisaient ouvertement McClane) et l’intrigue se résume à un ride moscovite à l’action débridée. Toute l’exposition du film entretient le mystère autour du procès d’un milliardaire russe, Yuri Komarov, seul homme à pouvoir révéler les collusions passées du futur premier ministre, une sorte de simili-Poutine à grande gueule. Le prétexte à l’intervention de McClane passera par une vague intrigue d’espionnage impliquant son fils, désormais agent de la CIA. Occupé à essayer d’exfiltrer le prisonnier politique, McClane Jr devra compter sur l’aide de son père avec qui il est évidemment en froid (une constante familiale dans la saga). Ce contexte rapidement esquissé, le film part totalement en vrille dès sa première grosse séquence d’action : une course-poursuite sur le périphérique moscovite filmée à la manière d’un Jason Bourne façon Paul Greengrass (vive l’abus de zooms, de shakycam et de montage surdécoupé). Particulièrement destructrice, la séquence ne cherche hélas jamais à être crédible et joue pleinement sur l’action décomplexée. En gros, McClane conduit comme un bourrin sur le périphérique, mais profite d’être en Russie pour se permettre de percuter les bagnoles des usagers du périph’, de leur rouler dessus, voire d’éviter une roquette pour que le camion du brave routier derrière lui se la prenne. On se demande si le réalisateur se serait permis autant de dommages collatéraux s’il avait filmé sa séquence aux USA. Pire, John Moore pousse le cynisme jusqu’à inclure quelques pointes d’humour décalé au milieu de l’action (McClane ne fait que répéter qu’il est en vacances, s’excuse quand il percute une voiture et appelle tranquillou sa fille en lui disant que tout se passe bien), un humour facile qui relève plus d’un second degré abrutissant que du cynisme larvé qui faisait toute la force de John McClane dans les précédents opus.


Conscient qu’il doit s’appuyer sur un scénario aussi famélique que celui d’une production Besson (Skip Woods = X-Men Origins je rappelle), John Moore mise donc tout sur l’esbroufe et nous en met parfois plein la vue, composant de temps en temps des plans-séquence numériques impressionnants (comme il l’avait fait sur Max Payne) quand il ne remue pas sa caméra dans tous les sens, ou zoome et dézoome, pour cacher le fait qu’il ne sait pas comment cadrer l’action. Mais le réalisateur pêche constamment par excès et les incohérences sont telles qu’elles menacent souvent de transformer cet énième Die Hard en parodie du genre. McClane lui-même se transforme ici en caricature de héros américain, brandissant constamment des grosses pétoires pour dézinguer à tour de bras des hordes de mercenaires russes interchangeables. Alors que McTiernan pensait McClane comme un anti-héros américain, très loin des poncifs musculeux et trop sûrs d’eux, Moore fait du personnage l’inverse de ce qu’il devait représenter, un action man impassible et inconséquent, encourageant son fils à le suivre dans un ride meurtrier sur le simple prétexte qu’il est un McClane et qu’un McClane est par définition, difficile à tuer. On est ici plus proche du dixième degré d’un sous-Expendables que de la logique conceptuelle d’un Die Hard.


Le scénario aura beau jouer dans son dernier tiers sur la duplicité d’un antagoniste à deux visages, et bénéficier de la présence de l’excellent Sebastian Koch, Die Hard 5 ne se hissera jamais au niveau des précédents films. Il en devient même pénible à revoir malgré sa durée relativement réduite (98 min, le film le plus court de la franchise). Le spectateur peu concerné pourra toujours l’apprécier comme un bon petit actioner décomplexé, se matant négligemment entre deux bouchées de chips. Le fan des premiers films lui, se désolera de voir la saga se conclure de manière si décevante. En attendant une refonte future de la franchise, la firme de Mickey s’intéressant désormais à rajeunir le visage et les aventures du flic au marcel.

Buddy_Noone
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le 22 janv. 2021

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Buddy_Noone

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