J'avais vu District 9 pour la première fois l'année de sa sortie et je l'ai détesté. Je devais être trop jeune (ou peut-être trop con) pour supporter la violence et le gore de l'action, de même que l'humanité crasse de certains personnages que le film nous balance violemment à la gueule. Bref, j'avais bloqué le film dans un coin de ma tête et décidé de chercher à l'oublier.
Mais, le temps (et la sagesse peut-être. Ah, on me fait signe là-bas que non, tant pis) ayant fait son œuvre, et après avoir reparlé du film avec quelques amis, j'ai décidé, preux chevalier que je suis, de faire face à mes démons et de le regarder à nouveau.


Et je dois admettre que j'ai, cette fois, beaucoup aimé le film. Pour ceux qui ne l'auraient pas vu, voici le résumé wikipédia : des extraterrestres réfugiés sur la Terre, près de Johannesburg, depuis 20 ans deviennent un problème international explosif. Parqués dans le camp District 9, leur destin est entre les mains d'une multinationale, le MNU, qui s’intéresse à leur extraordinaire armement qui ne fonctionne qu'avec de l'ADN extraterrestre. Wikus van de Merwe, un agent de terrain du MNU, gentillet et peu intelligent, est choisi pour mener une vaste opération au sein du camp et inhale par accident une mystérieuse substance qui se met à modifier son ADN. Cet homme qui permettrait de déchiffrer la technologie alien devient l'individu le plus recherché. Repoussé, isolé, sans aide ni amis, il ne lui reste qu'un seul endroit où se cacher : le District 9.


Le film se divise en réalité en plusieurs parties. La première se veut être un faux documentaire relatant la vie de Wikus et y parvient terriblement bien : elle parodie à merveille les documentaires alignant scènes de vie du personnage et interviews de ses proches pour mieux tenter de comprendre son histoire. Ce qui rend le développement du personnage, mis en parallèle avec l'explication du scénario, très agréable à suivre. On est quelques peu bercés par la juxtaposition des anecdotes diverses révélées par ses proches sur la vie de Wikus et les scènes où l'on suit directement le personnage central lors de l'opération au sein du camp. Le développement du personnage est également beaucoup aidé par Sharlto Copley, acteur jouant le rôle de Wikus, qui joue formidablement bien le simplet qui ne comprend pas trop ce qu'il fait à la tête d'une aussi vaste opération, mais ne veut surtout pas le montrer à qui que ce soit. Cette opération est filmée en caméra embarquée, ce qui renforce encore l'effet documentaire et rend toutes les scènes beaucoup plus vivantes. Avec effroi, on découvre aux côtés de Wikus les conditions de vie du District 9, la lente modification de son ADN et l'autre visage de la MNU. Et c'est d'ailleurs la principale force du film : via ses différentes caméras, on passe d'un point de vue à l'autre, voltigeant entre les plans filmés par des personnage portant une caméra, les personnages-techniciens réalisant un documentaire et les caméras de l'équipe réalisant le film District 9. De cette manière, le réalisateur joue constamment avec les niveaux diégétiques et ça rend terriblement bien : on est suffisamment omniscient pour comprendre l'histoire dans sa globalité, ses enjeux, les décors dans leur ensemble, et suffisamment "embarqué" pour se sentir proche de Wikus et des émotions qu'il ressent lors de sa transformation. Et c'est cette transformation qui mène le film vers sa deuxième partie.


Cette deuxième partie est clairement plus tournée vers l'action, et le scénario s'en ressent : on ne suit plus de développements des enjeux globaux de l'accueil des réfugiés extra-terrestres, plus d'interviews pour tenter de complexifier le personnage, le moment est venu pour de la bonne grosse action.


A savoir que Wikus s'allie avec un extra-terrestre pour aller cambrioler les coffres de la MNU, afin d'y retrouver un fluide qui pourrait redémarrer le vaisseau alien et lui rendre son apparence humaine.


Au passage, le film s'enlise malheureusement dans quelques clichés : le fugitif qui se fait repérer via son portable (bordel de merde, tu as toutes les milices, armées et polices de la planète au cul, tu désactives ton portable, tu l'abandonnes, tu le donnes à quelqu'un pour qu'il l'emmène très loin, ce que tu veux, mais en aucun cas tu ne le gardes avec toi et tu ne l'utilises pour téléphoner), les balles qui évitent miraculeusement les personnages principaux au milieu de la mêlée, ces derniers qui papotent gaiement pendant une bonne minute au milieu de ladite mêlée, etc.


Alors faut-il retenir de cette deuxième partie qu'elle vient pourrir le film et le transforme en navet ? Et bien non. Certes, on aurait pu espérer un peu mieux que de la fusillade dans tous les sens, mais au moins cette fusillade est plutôt bien mise en scène. Les caméras ne sont plus embarquées à l'épaule, mais elles font toujours partie du décors et amènent une vision intéressante qui continue à placer le spectateur au cœur même de l'action et du film. Et contrairement aux blockbusters actuels, rien n'est propret au centre du conflit : si je considérais les giclées de sang et autres organes arrachés comme inutilement gores il y a sept ans, je les vois aujourd'hui comme un moyen de rendre tout cela particulièrement réaliste. Il n'est pas question dans ce film de violence pour la violence, mais d'une violence véritablement travaillée et sciemment utilisée.
Il faut rajouter à cela que Sharlto Copley continue d'être assez impressionnant dans cette seconde partie : disparu le travailleur un peu simplet, Wikus est désormais un homme en train de quitter la société et ses réflexes pour sauver sa peau. Et Sharlto Copley joue merveilleusement bien les deux facettes de son personnage et la transition entre.


La scène où Wikus découvre le vaisseau caché sous la cabane et ne trouve rien d'autre à dire que "c'est très illégal" montre formidablement bien le combat à ce moment-là à l’œuvre chez le personnage.


Pour conclure, District 9 est un film que je suis enchanté d'avoir redécouvert car très bon à de nombreux aspects. Malgré une deuxième partie un peu moins intéressante en terme de scénario, le film dispose de nombreux atouts qui le rendent très agréable et intéressant à regarder (au delà des aspects cinématographiques, District 9 présente une métaphore intéressante du rapport à l'autre, notamment à notre époque de migrations importantes).
Un District 10 est également déjà en élaboration dans la tête du réalisateur (http://www.lefigaro.fr/cinema/2015/03/09/03002-20150309ARTFIG00243-le-realisateur-neill-blomkamp-leve-le-voile-sur-district-10.php). Reste à savoir quelle chemin il prendra : la plume ou l'hémoglobine ?

Kannfey
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le 15 août 2016

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