Rarement la nature d’un film a été autant rattachée à son contexte de fabrication, aussi bien dans son enveloppe que dans sa chair. Diva est un film qui sait nous plonger dans les années 80 et ses spécificités culturelles qui ont rendu la France si nostalgique.
Les rues vivantes de Paris, les hôtels de luxe, l’opéra, la villa moderne (avec toutes les options) ainsi que l’avènement de l’enregistrement recréent un paysage aujourd’hui fantasmé. S’ajoute à cela des ambiances sonores et musicales sobres et mystérieuses venant tapisser ce décor d’un confort nocturne apaisant. Mais qu’en retiendra le spectateur moderne ?
On se souviendra de cette partition musicale élégante, de ce talent inné pour l’usage de la lumière chez Beineix. Des atmosphères de nuit proches de celles d’un David Lynch sont créées, avec cependant une affinité parfaitement unique pour les décors. Une réussite technique en tous points vient réitérer notre intérêt en chaque image de cette aventure picaresque. Maintenant viennent le fond et le sens qu’ont ces illustrations. Et à l’image des années 80 en France, leur importance est bien mince.
On pourrait considérer que cette course à la cassette de deux heures suffit amplement, le tout valorisé par une incarnation réussie d’une époque bienheureuse. Mais c’est un gâchis. Les plus grands moments du film sont dans sa première partie et ce n’est pas un hasard. Chaque scène où la musique est présente en tant que sujet d’époque est réussie. Parmi elles : le premier concert, la découverte des appareils de Jules, la boutique de vinyles ou encore les préoccupations de la Diva sur son art. On est au cœur des moments que le film devrait privilégier, mais malheureusement nous sommes en permanence raccrochés à ces personnages de bande-dessinée aux prises avec une intrigue policière douloureusement molle. La tentative de mêler une intrigue aux tenants émotionnels et une autre qui en est totalement dépourvue est bel est bien un échec. Le danger est celui de la superficialité, ce à quoi échappent Jules et la Diva dans la première heure du film. Ils finissent malheureusement oubliés dans cet éventail de protagonistes qui peine à survivre dans nos esprits. On passe d’une œuvre chargée d’images et d’émotions à un banal divertissement. C’est le grand dilemme qui animera les films contemporains, avec un résultat parfois plus satisfaisant.On repense alors au travail de Luc Besson qui a finalement su créer des ambiances similaires mais sans essayer de jouer sur les deux tableaux. L’émotion et les péripéties sont liées par exemple dans Le Grand Bleu ou Nikita. Ici elles sont décorrélées, créant une désagréable alternance d’intérêt au cours du visionnage.
Cependant l’œil de Beineix est incontestablement acéré et l’innovation dont il fait preuve mérite d’être saluée. Sans doute a-t-il même joué un rôle sur des successeurs qui ont su s’en inspirer. Peut-être Besson, les frères Coen ou encore Leos Carax qui gravitent parfois sur des orbites voisines.