Des routes de montagnes, caillouteuses, sur lesquelles les voitures peinent. Des villages avec des groupes de gamin qui traînent. Des gens qui produisent encore un travail manuel. Et en arrière-fond, des montagnes à tomber par terre.

Vu mon histoire personnelle, ça me parle.

L'histoire est des plus simples, et son déroulement des plus lents. Djomeh a fui l'Afghanistan, non à cause de la guerre, mais parce qu'il était tombé amoureux d'une femme plus vieille que lui d'une dizaine d'années. Il a suivi Habib, un autre Afghan avec qui il travaille dans la laiterie de Mahmoud, un quadra iranien toujours pas marié. Djomeh accompagne Mahmoud au village voisin pour peser le lait qu'ils vendent au détail, au dos de la camionnette Mazda bleue, mais son comportement est étrange. En quittant la ferme, il se fait beau, puis va faire des courses à l'épicerie, courses dont il se débarrasse ensuite. En réalité, Djomeh est amoureux de la fille de l'épicier, Setareh. Profitant des trajets en voiture, il se confie à Mahmoud et le pousse à la demander en mariage en son nom, car on accepte mal ce jeune Afghan au village. Mahmoud accepte, mais le lendemain il arrive bien habillé et demande à un nouvel ouvrier de remplacer Djomeh pour venir vendre le lait au village. Djomeh doit faire profil bas.

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Fin ouverte : que s'est-il réellement passé lors de la demande de Mahmoud ? Le plus probable à mon sens est que Mahmoud a demandé la fille pour lui-même, mais bien d'autres possibilités sont ouvertes.

Le canevas de comédie dramatique est assez classique, mais restent les magnifiques plans de trajets en voiture (champ-contre-champ conducteur-passager), le rythme des retours en bicyclette de Djomeh, les rues du village et leurs sons, leurs couleurs. Et ces plans à tomber par terre avec les montagnes enneigées, les champs en contrebas, qui volent souvent la vedette aux acteurs. Côté direction d'acteur, c'est fort bon, notamment celui qui fait Mahmoud, dont le jeu rappelle parfois celui d'un De Niro dans son ambiguïté et son intériorité. Il y a aussi un aspect documentaire assez prononcé, avec le fonctionnement de la laiterie, dans son rythme quotidien (passage du vétérinaire, préparation du thé, intérieures dénudés, travellings sur les maisons troglodytes en terre battue)...

"Djomeh", sans fournir une réflexion aussi poussée ou polémique que celle d'un Kiarostami, aborde les thèmes de l'amour et du statut social et fournit une belle ouverture sur les réfugiés afghans en Iran. Une vision en creux de la guerre, intelligente et parsemée de plans agrestes, c'est-à-dire simples et somptueux.

Vu S. Jean Epstein à la Cinémathèque.
zardoz6704
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le 14 sept. 2014

Modifiée

le 14 sept. 2014

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