Docteur Sherlock Holmeskenstein : un film schizophrène

Vous connaissez ce dicton qui prétendrait que l'on ne puisse faire une chose deux fois, si l'on ne l'a pas déja fait par trois fois? Eh bien, c'est aujourd'hui l'occasion, pour moi, de l'appliquer dans mes articles. Car deux critiques d'affilé sur un même mythe, cela se fête. Comment? En parlant de la dernière adaptation en date du personnage de "Frankenstein", et de son prométhée moderne.


Pour tout vous dire, je partais peu confiant; les divers avis que j'avais pu lire, ainsi que la seule bande-annonce que j'avais vu ne m'encourageaient guère à poursuivre l'aventure en salles. Seulement, adorant la mythologie fantastique du romantisme noir, je n'ai pas pu m'empêcher de tenter le diable, et de me jeter tête la première dans l'expérience, sans réserves ni possibilité d'échappatoire.


Et dieu seul sait que j'ai bien fait d'agir comme cela. Car sans être un chef-d'oeuvre, "Docteur Frankenstein" est un honnête divertissement, qui ne déçoit pas ( ou ne m'a pas déçu; mais cela va sans dire ). L'on regrettera seulement ( et c'est principalement pour cela que je n'ai pu lui mettre la note au dessus, encore que j'ai longuement hésité avec celle du dessous ) la première partie, complètement foirée et abracadabrante.


Elle manque clairement de maîtrise et de talent; le réalisateur réalise comme un vrai tâcheron, et les acteurs jouent comme des casserolles italiennes dans un prai portugais; en gros, c'est pas trop ça. La palme reviendra, je pense, à Daniel Radcliffe qui, pathétique au possible sous son maquillage, oscillera entre le grotesque et le ridicule, tombant dans un complet surjeu des plus démoniaques, et surtout des moins plaisants.


L'écriture y est-elle même peu intéressante, et manque vraiment de fluidité : c'est rigide, et cela ne marche pas. Et c'est dommage, parce que l'idée du cirque était excellente. Seulement, c'est foutrement mal foutu. Mais une fois passée cette première partie, le film pourra vous plaire ( au moins un minimum, ai-je envie d'écrire ). Enfin, pour cela il faudra avoir mis de côté la première partie, si tant est que vous ne vous êtes pas fait la mâle par peur de revivre cela pendant une heure de plus.


Le tout étant que le reste est largement meilleur. Une fois que l'histoire aura pris forme ( j'avais d'ailleurs énormément peur avec l'histoire de l'animal, mais heureusement qu'ils n'en ont rien fait de plus ), ce sera un réel bonheur que de la suivre. Pourtant, ce n'est pas parfait; loin de là, même. La rédaction oscillera constamment entre le bon et le médiocre, sans réellement tomber dans le mauvais.


Mais voilà que l'on arrive au vrai problème du film : il est purement schizophrène, et loin de la qualité globale que l'on aurait pu espérer. En fait, j'irai même jusqu'à dire qu'il n'est pas régulier. Cela se retrouve d'ailleurs dans tous les aspects du métrage, autant dans sa mise en scène, dans son écriture que dans son interprétation globale ( en ce qui concerne également sa direction d'acteurs, donc ).


La seule chose qui semble ne point changer, c'est véritablement sa bande-son. Bien que crédible et plaisante, elle refoule cependant le déja-vu, le réchauffé; on y trouve du "Dracula Untold", du "Seigneur des Anneaux", et même de l' "Equilibrium" ( je vous jure ! ), film que tout le monde semble détester ( étrangement ).


En ce qui concerne la mise en scène, c'est véritablement dégueulasse. Au départ seulement ( petite précision changeant tout de même la donne ). Abandonnant ses effets clipesques hallucinants et insupportables de début, Paul McGuigan, réalisateur attitré de séries b ( son art ayant souvent un rapport, direct ou non, avec les comics; cf "Push" et "Slevin" ), part dans un délire complet ( voir la présentation de Frankenstein en début et en fin de film; non, juste non quoi ) et particulier.


Seulement, ce délire ci ne se ressent pas tout le long; on a surtout l'impression de se situer devant un film de commande, le genre de métrage qui ne possède pas de réelle personnalité. Et c'est dommage, parce que malgré ce que j'ai pu en dire, l'écriture partait sur de bonnes bases, et de convaincantes idées de pistes à suivre.


Pour commencer, s'inspirer du film de 57 pour constituer la personnalité de son héros était une bonne idée, mais il aurait fallu, pour pleinement convaincre, ne point pomper le style des "Sherlock Holmes" de Guy Ritchie ( d'où mon titre ). Et cela ne se ressent pas qu'ici, mais également dans la mise en scène, la bande-son et le (sur)jeu de James McAvoy, véritable boule d'énergie ( il aurait pu donner la vie à Frankenstein en le touchant du doigt ).


Et c'est dommage, parce que le film aurait gagné à avoir une personnalité propre, quelque chose qui aurait fait qu'il ne se serait pas finalement transformé en simple divertissement ( contrairement à "Dracula Untold", dans une certaine mesure ). Cependant, de bonnes idées persistent; celle de faire d'Igor un savant génie, par exemple, et de lui faire prendre le rôle du grand ami de Frankenstein, personnage du roman dont j'ai complètement oublié le nom ( nommé Paul dans la version de 57 ).


Il amène une certaine émotivité au métrage, et un aspect très humain rafraichissant ( contrastant complètement avec le côté très manichéen et excessif de Victor; au départ seulement, je tiens à le préciser ), et même s'il est complètement raté pendant les premières quarante minutes, c'est véritablement dans le temps suivant qu'il commencera à prendre une certaine mesure.


Cette recrudescence de l'importance d'Igor paraît d'autant plus logique qu'un homme ne pourrait pas penser à toutes les choses vitales pour construire et mettre au point un corps; c'est d'ailleurs ce qui me gênait, dans le roman. J'avais par ailleurs peur que l'aspect dramatique du récit soit ainsi jeté aux oubliettes; il n'en est rien, et un ajout à la mythologie, et à l'histoire même de Frankenstein, viendra offrir un côté extrêmement pessimiste à l'oeuvre,


qui se termine, heureusement, sur une note purement optimiste ( approche d'ailleurs très originale du personnage ).


Seulement, pour terminer sur la rédaction, je tiens à noter que les incohérences, pas trop grandes, viennent tout de même plomber la logique et la crédibilité de l'oeuvre. Terminons en évoquant le casting. C'est majoritairement, je pense, complètement raté. La direction d'acteurs est mauvaise, et le surjeu s'instaure rapidement. McAvoy n'aura ainsi plus aucun sens de la mesure, tandis que Radcliffe, complètement perdu dans son personnage, se demandera clairement ce qu'il fout ici.


Mais lorsque l'on étudie plus attentivement la personnalité même de Frankenstein, l'on remarque sans peine que c'est un protagoniste excessif : il vit dans l'excès, parle, bouge et pense dans l'excès. Il ne connaît pas la mesure, et fait tout au sanctuple. Une question se pose alors : comment lui donner forme sans tomber dans le surjeu? Et outre son côté très théâtral, McAvoy n'a lui même pas commis l'erreur de tomber dans le ridicule et le superficiel ( avec de tels rires, c'était dur d'y échapper ).


"Docteur Frankenstein", bien loin de la daube à laquelle je m'attendais, fut donc une très bonne surprise. Tentant d'amener une approche plutôt originale au personnage, il demeure malheureusement imparfait ( l'enquête autour de Victor est complètement inutile, tout comme le personnage d'Andrew Scott ). Cependant, c'est un excellent divertissement, et un véritable coup de coeur pour sa deuxième partie, extrêmement convaincante. J'aime décidément de plus en plus cette nouvelle génération de films de monstres ...


Revu: à noter une inspiration évidente et assumée de la nouvelle "Herbert West, réanimateur", d'H. P. Lovecraft.


http://avion.blogs.allocine.fr/2015/12/la-creature-de-frankenstein-4-docteur-frankenstein-2015.html

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le 29 nov. 2015

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FloBerne

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