On savait déjà que Kurosawa était un maître hors norme du noir et blanc. Avec Dodes'kaden, il s'essaie pour la première fois à la couleur. C'est un peu comme le passage du muet au parlant, ça chamboule pas mal de choses déjà établies. Autant dire que le bonhomme s'en tire à merveille.

Dodes'kaden est un récit assez surréaliste de par sa forme : c'est une oeuvre assez psychédélique et littéralement très haute en couleur. Certains parlent d'expressionnisme, et on comprend pourquoi : il y a là une certaine exagération des traits, tant sur le décor que sur la psychologie des personnages. Cet expressionnisme, Kurosawa s'en sert comme d'un vecteur pour nous livrer un message finalement très humaniste, qui se révèle être une suite logique de son précédent métrage Barberousse. Si les deux œuvres se complètent dans leurs discours et abordent souvent les même thèmes, Dodes'kaden est finalement un film que j'ai trouvé plus optimiste dans son traitement. Peut-être parce que le ton y est plus léger.

Ici, Kurosawa (Kuro pour les intimes) nous emmène à la rencontre des habitants d'un petit bidonville. La vie y semble assez triste du premier abord. Petit à petit, on découvre chacun des habitants : leur vies, leurs petits problèmes, et pour certains leurs rêves. Chaque petite séquence nous apporte quelque chose de nouveau, et chaque histoire nous livre une morale différente, optimiste ou non.

Parmi les différents habitants, on y trouve un père et son fils dans une relation assez spéciale, l'un rêvant d'une grande maison, et l'autre le suivant toujours dans ses décisions. On y trouve aussi deux amis ivrognes, dont les femmes parviennent tant bien que mal à les supporter. On part à la rencontre d'une fille exploitée par son oncle, d'une famille où aucun des enfants ne provient du père, d'un homme respecté mais dont la femme est haïe par tout le monde... bref, une ribambelle de personnages divers et variés. Parfois leurs histoires finissent bien, et parfois non. Mais finalement, Kuro ne prends pas vraiment position, il nous laisse juger par nous même de la finalités de ces destins. Tout ce qu'il fait, c'est filmer ces vies sur ce ton léger.

Et aussi, il y a mon personnage préféré, ce "Zinzin du train". Celui qui conduit, tout au long de la journée, son tram imaginaire. Sur chacune de ses scènes, il se passait la même chose pour moi : je me retrouvais comme en extase, avec un sourire débile sur mon visage. "Dodes'kaden dodes'kaden dodes'kaden", qu'il répète. C'est juste un fou qui se prend pour un conducteur. Il n'empêche que la première scène on ou le voit "conduire" est devenue une de mes scènes favorites.

C'est ce zinzin du train qui clôture également cette fresque humaine, et qui semble nous dire : "La vie continue".
KoalaLeNicolas

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