J'ai beaucoup aimé ce film, sauf la partie avec Julianne Moore qui m'a un peu déçu. Je m'explique...


Quand le personnage principal d'un film n'est pas quelqu'un de bien, alors l'objectif sera soit de nous montrer certaines de ses failles pour le rendre sympathique à nos yeux (un enfoiré comme Tony Soprano pendant sa thérapie par exemple), soit de faire évoluer sa mentalité ou son comportement au fil de l'histoire, jusqu'à un point où il se conformera enfin avec nos attentes quant à notre vision d'un vrai héros de fiction (au pif, Ed Norton dans American History X). Très rares sont les films grand public qui choisissent de laisser leur personnage principal antipathique jusqu'au bout, parce qu'en tant que spectateurs si le héros ne nous plaît pas, on peut facilement conclure que c'est le film en lui même qui ne nous a pas plu. Personnellement j'ai eu cette sensation pendant "Mommy" de Dolan, où je ne peux me résoudre à dire que j'ai aimé le film, alors qu'il est clairement brillant, tout simplement parce que je ne peux pas blairer ces trois personnages... Et j'ai l'impression que certaines des critiques qui visent Don Jon ont été formulées pour cette raison...


Don Jon nous parle d'un type de personnage très peu exploité sérieusement au cinéma : le beauf. En l’occurrence, le jeune beauf, le kéké si vous préférez... Sauf qu'à la différence des beaufs de comédie française genre les Bronzés ou Camping, Don Jon n'essaye pas de nous faire rire gentiment de leurs travers... Le film nous expose dans une démarche très premier degré le quotidien d'un jeune homme qui a érigé la néo-beaufitude en mode de vie. Appart, voiture et musculature aux petits oignons, saupoudrés de party in da club putyourhandsupintheair et big booty bitches comme dans une téléréalité, ingrédients auxquels on rajoute famille, potos et église, parce que le kéké a très régulièrement une culture que nous qualifierons de méditerranéenne (no offense les gars, c'est un marseillais qui parle) dans lesquels les mecs sont souvent croyants et très amoureux de leur mère (petite dédicace pour mes ritals et mes maghrébins sûrs).


L'aspect "porno" n'est pas là pour faire une analyse sociologique sur le rapport entre les jeunes et la pornographie, il est là pour mettre en évidence le grain de sable qui s'insère dans les rouages de la vie de Jon. En effet, à l'inverse de son appart, sa voiture ou son corps, sur lesquels il a un contrôle absolu et qu'il peut conformer à ses attentes que certains qualifieront de superficielles, le paramètre "fille" lui glisse un peu entre les doigts. Il le dit d'ailleurs lui-même, le porno, c'est mieux que la vraie vie, parce que dans la réalité, les filles avec qui il couche ont des attentes particulières, des réserves quant à certaines pratiques, alors que sur youporn les meufs font clairement moins de chichis, même avec des mecs qu'elles connaissent seulement depuis 2-3 heures...


La seule raison pour laquelle il serait prêt à faire des concessions, c'est seulement si la fille est une bombasse atomique une vraie de vraie... Genre Scarlett Johansson quoi... D'ailleurs ça tombe bien, il rencontre Scarlett au détour d'une soirée pépère indaclub... Sauf que... Sauf que Scarlett et ben elle est exactement comme Jon... Une beauf au féminin, une beaufette si vous préférez... Tout pareil que Jon, sauf qu'elle mate pas de porn, elle son kiff c'est les comédies romantiques... Et dans les comédies romantiques, le mec il est ultra classe, il a une bonne situation, il aime sa meuf et seulement sa meuf, même pas besoin de mater du rab dans la rue ou sur internet, et il fait pas le ménage, parce qu'il a une vieille latina qui s'en occupe (forcément puisqu'il a du blé)...


S'ensuivra ensuite une bataille de beaufs pour conformer l'autre à ses attentes... Jon va perdre et se soumettre à la volonté de Scarlett. Plus de porn, reprise des études, on va à la salle de sport ensemble...


Et la suite du film, la partie avec Julianne Moore est assez étrange, on dirait la fin d'un autre film, j'ai été un peu déçu, mais j'ai suffisamment spoilé comme ça je vais pas m'attarder dessus.


Par contre, toute la première partie du film a été pour moi un kiff monumental. Pourquoi? Parce que comme je l'ai dit je suis marseillais, et des spécimens comme ceux là, j'en vois depuis que je suis né, j'en compte même certains parmi mes meilleurs amis... JGL et Scarlett ont super bien saisi leurs tics et leurs manies, jusqu'à atteindre un niveau de réalisme plutôt bluffant, et ils prennent vraisemblablement un plaisir fou à camper ces personnages, sans parler des parents de Jon, qui sont eux aussi parfaits dans leurs personnages (le vieux rital en marcel blanc qui mate le cul de Scarlett, tellement cliché, mais tellement vrai...)


Le problème c'est que le cinéphile averti n'aime pas le beauf. Le beauf est bruyant, inculte, superficiel, il aime les films comme Transformers et Taxi 2... Donc le cinéphile n'aime pas le personnage de Jon, même lorsqu'il évolue aux côtés de Julianne Moore, parce que cette évolution est plutôt incohérente et très mal amenée. Je pense que c'est en partie pour ça que les critiques ont été aussi mitigées sur ce premier film pourtant fort sympathique, qui ne prétend à aucun moment traiter de sujets aussi sérieux que "Shame" par exemple, auquel il a été comparé par certains membres de ce site. Je pense que plus que notre rapport au porno, le film évoque la manière dont on laisse la fiction influer sur nos vies (le porno pour Jon, les romcoms pour Scarlett, les téléfilms genre après midi M6 pour la mère de Jon, qui mine de rien essaye elle aussi de conformer son fils à ses attentes...), ce qui a peut être pris certaines personnes à contre pied, notamment vis-à-vis de ce qui a été montré dans la bande annonce. Et les personnages n'étaient peut être tout simplement pas assez attachants au yeux de la plupart des gens...


De mon côté, je regrette simplement le fait que JGL n'ait pas eu le cran de laisser Jon rester Jon jusqu'au bout, jusqu'à devenir un vieux beau quadra gominé qui drague les jeunettes comme si de rien n'était. Parce que dans la vraie vie, Jon n'aurait probablement pas pu changer aussi radicalement, même aux côtés d'une perle comme Julianne...


Parce que la vraie vie, c'est toujours moins bien que les films...

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le 24 juin 2015

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