Etre un geek dans le quartier chaud d'Inglewood de Los Angeles, est à première vue, une anomalie. Elle porte le prénom de Malcolm (Shameik Moore), un génie, fan de la culture hip-hop des années 90 et rêvant d'Harvard. Il est accompagné de Diggy (Kiersey Clemons); assumant fièrement son homosexualité; et Jib (Tony Revolori); revendiquant ses 14% d'origine afro-américaine. Un trio constamment malmené dans les couloirs du collège, ou dans les rues. Ils ne sont affiliés à aucun gang et doivent faire preuve d'ingéniosité pour esquiver les diverses tentatives d'intimidations. Mais il n'est pas évident de passer inaperçu quand on s'habille avec des couleurs fluo, tout en étant; comme Malcolm; affublé d'une afro, que n'aurait pas renié Christopher Reid de Kid'N'Play, ou plus récemment Iman Shumpert des Cleveland Cavaliers. Malcolm a un autre rêve, elle s'appelle Nakia (Zöe Kravitz), aussi convoité par un caïd du coin, Dom (Rakim Mayers aka Asap Rocky). Les événements vont mettre en relation ces personnages et chambouler leurs futurs.


Le titre du film a diverses consonances, on pense à la dope, cette poudre blanche qui pollue les rues et esprits, mais aussi synonyme de cool, de stylé et autres adjectifs positifs. C'est un peu tout cela à la fois, on retrouve chacune de ses appellations au cours du récit.


Teen Movie, critique sociale, hommage aux années 90 ou film d'apprentissage, Dope est un peu tout cela à la fois. C'est surtout un long-métrage à l'énergie communicative par le biais d'une bande originale hip-hop tout droit sorti des 90's, collant parfaitement aux plans, comme à l'action. Durant près de deux heures, le réalisateur Rick Famuyiva, va enchaîner les scènes inoubliables et nous mettre dans un état d'euphorie fort agréable. Si le ton est au premier abord léger et la trame classique, il va jouer avec les clichés en les détournant, grâce à un montage ingénieux. Les embrouilles sont tournées en dérision, pour démontrer le ridicule de la situation, souvent causé par un mot ou un regard. Bien sur, il ne fait pas abstraction de la mort, qui peut frapper à tout moment et parfois un innocent, mais il ne dramatise jamais les faits. Le but n'est pas de pointer la misère ou la violence de la rue, mais de donner de l'espoir, à travers le personnage de Malcolm.
La réussite sociale dans ces quartiers, ne semble pouvoir passer que par le sport ou le rap, mais les élus sont rares et beaucoup restent sur le quai, passant leurs vies à ressasser leurs regrets et leurs rêves de gloire. Mais ce n'est pas la seule issue, il y a aussi les études pour accéder à un emploi plus valorisant pour l'estime de soi. Certes Malcolm est élevé par sa mère célibataire Lisa Hayes (Kimberly Elise), il n'a pas vraiment connu son père, ce qui fait apparemment de lui un cliché. Mais c'est aussi une réalité, le réalisateur n'est pas là pour nous livrer une histoire à la Walt Disney. Mais il démontre aussi, que la réussite est possible, malgré les obstacles. Même s'il est difficile de résister à l'appel de la rue, à l'argent facile, notre trio à choisit une autre voie, en mettant à profit leurs facultés intellectuelles, au risque d'être des marginaux pris pour cibles, par ceux qui ont fait des rues, leur royaume.


Rick Famuyiwa est un réalisateur de 41 ans, il a grandi dans les années 90, durant l'âge d'or du hip-hop. Cela se ressent à travers les références culturelles et clins d’œil, que l'on retrouve dans les dialogues ou musicalement. Il y a de la nostalgie dans ses plans et ses personnages. Le prénom Malcolm n'est pas dû au hasard, il se réfère à l'acteur Malcolm Jamal-Warner de la série Cosby Show, qui a connu un immense succès en mettant en scène une famille afro-américaine, ou les parents sont médecin et avocat. Mais aussi à Malcolm X, un homme controversé par ses prises de positions extrêmes en dénonçant les crimes et la ségrégation raciale des états-unis envers la communauté noire. Mais il fait aussi allusion à celui incarner par Frankie Muniz dans la série Malcolm, lui aussi étant un génie. On retrouve des traits de caractère de chacun d'eux, dans diverses situations et dans un discours surprenant, qui prend à contre-pied, la légèreté apparente du film, en délivrant un message digne de Malcolm X et Martin Luther King Jr. Mais le récit est bien ancré dans notre époque, par le biais des réseaux sociaux et la présence aux génériques de deux rappeurs contemporains : Asap Rocky et Tyga. Le délit de faciès, le jugement sur les apparences, sur le fait d'être noir dans une société, stigmatisant cette couleur de peau en ne sachant pas en faire abstraction, est pointé du doigt, avec subtilité, à l'image du génie de Malcolm.


Shameik Moore est la grande révélation du film, tant il illumine le long-métrage de par son charisme. On a déjà pu apercevoir Kiersey Clemons dans la série Transparent. Elle confirme son talent, comme Tony Revolori vu dans le fabuleux The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson. Il en va de même pour Zöé Kravitz, devenant une actrice de plus en plus incontournable, comme on a pu le constater cette année dans Good Kill et Mad Max : Fury Road. On notera aussi que ces deux actrices ont des faux airs de Lisa Bonet, elle aussi étant présente dans la série Cosby Show. Blake Anderson de la série Workaholics est aussi de la partie, permettant de jouer avec le mot N-Word, en étant le quota blanc du film. Au passage George Bush en prend une, pour l'ensemble de son oeuvre, ce qui est toujours jouissif.


On passe un pur moment de plaisir en suivant ces personnages, tous aussi attachants, que talentueux. Le film donne le sourire dès le début et on ressort de la séance, avec une joie non dissimulée, tant le réalisateur a su nous l'a communiqué à travers ses images et la musique, jusqu’à un générique final d'anthologie.

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le 14 juin 2015

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Laurent Doe

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