Douro, Faina Fluvial
6.6
Douro, Faina Fluvial

Court-métrage documentaire de Manoel de Oliveira (1931)

Point de vue documenté sur une région portuaire, Douro, faina fluvial de Manuel (sic) de Oliveira relie le constructivisme d’un Dziga Vertov avec les jeux d’associations visuelles d’un Jean Vigo (type À propos de Nice). Moins ostensiblement politique que les films d’Eisenstein (personne ici n’est désigné comme l’oppression à combattre), de Oliveira emprunte au maître soviétique sa science métrique du montage. Alternant, dans un rythme soutenu, différents angles de vue sur un même paysage ou sur une même action, le cinéaste portugais, qui signe là pour première œuvre un véritable exercice de maîtrise, articule une géographie plastique des lieux.

Carte d’esthète, comme de Oliveira en réalisera tout au long de son œuvre, Douro… porte les germes ardentes du cinéma de son auteur et, à travers un cadre carré (1.37:1), révèle sur le plan dialectique une réalité sociale (que le néo-réalisme, dix ans plus tard, avancera plus encore sur le devant de la scène cinématographique). Dans la frénésie de ses successions d’image, sans que ne se dessine clairement un fil narratif, apparaît tout de même une trame. Trame de motifs ou tresse de récits, les nouages qui font la logique de Douro, faina fluvial, tout obscurs soient-ils, laissent au moins l’impression d’un passage furtif dans la masse des prolétaires portuaires. Les visages peinés des ouvriers ont autant de place que les contre-plongées des grands aqueducs bombés en fer.

Dans sa manière de filmer avec autant de composition les paysages que les visages, avec un même soucis, très pictural, du «perspectivus», de Oliveira ordonne le monde en un bloc d’harmonie. Aux tourments du travail et aux flux des marchandises, le film résiste en les modelant sous l’apparence d’une harmonie plastique. Bien moins porté sur la misère sociale que ne le sera un grand cinéaste, Joris Ivens, avec Misère au Borinage (1933), de Oliveira favorise, par le cinéma, un ordre recouvré du monde.

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