À la fin des 80s la société de prod de Francis, American Zoetrope, ne rentre pas autant de pépètes qu'il en faudrait pour se porter comme un charme. La situation motive en partie, début 90, des entreprises telles que le fameux Parrain III ou la présente adaptation d'un énorme classique de la littérature.
En songeant d'abord à porter Sur la route de Kerouac à l'écran, Coppola se voit proposer le script de Dracula par Winona Ryder qui l'avait lu à l'époque où il s'agissait d'un projet de téléfilm.
Le réalisateur a alors l'idée de créer un parallèle entre la naissance du personnage dans un récit datant de la fin du XIXeme et celle du cinéma. Là où l'histoire de Stoker dépeint un combat entre la science et la superstition, celle de Francis est en plus une lettre d'amour aux techniques traditionnelles de son art à une époque en pleins bouleversements technologiques.
Poussant le vice jusqu'à utiliser pour une scène une vieille camera Pathé à manivelle du temps du muet ou à placer son fils de 29 ans, Roman, à la gestion des effets in-camera à la place d'une équipe renvoyée promptement à cause de son insistance à vouloir utiliser des techniques contemporaines.
Je crois que les seuls effets rajoutés au montage sont les espèces de feu-follets qu'on voit deux ou trois fois, ce qui est complètement taré. Et j'ai même pas parlé des marionnettes en ombres chinoises etc...
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Autre caractéristique du film : sa capacité à se démarquer d'une myriade de versions précédentes qui pour la plupart dérivaient du patron imposé par l'impact de la proposition de Tod Browning avec Lugosi, alors qu'elle différait largement des descriptions du texte de Stoker tout en imprégnant à jamais la culture populaire. Mais comment ?
Surtout grâce au boulot de Eiko Ishioka à qui l'ont doit une bonne part du pouvoir de fascination du film. L'artiste prétend qu'à l'époque elle n'avait jamais vu aucun Dracula à l'écran et nous offre ainsi des costumes décomplexés et d'inspirations variées.
Aussi, peut-être pour la première fois, l'origine historique du personnage, inspiré par Vlad Tepes, est exploitée pour enrichir sa saveur.
C'est presque dommage si le public retient surtout l'histoire d'amour entre le Comte et Mina mais il me semble qu'une version de la BBC explorait déjà cette variante. Cependant c'est vrai qu'elle prend ici une place de premier plan. C'est assez étrange ce concept presque bouddhiste de réincarnation dans un contexte aussi ancré dans le christianisme, on dira que ça étend la richesse du propos.
Notons que pendant un moment, après la sortie de ce film, y a eu un peu moins de tentatives d'adaptations. Ça aura au moins eu le mérite de calmer les rigolos.