Avec Blanche Neige, les souliers rouges et les sept nains et Dreams, tous deux sortis dans nos salles le 29 juillet, on peut s’étonner des efforts employés pour adapter et promouvoir ces films d’animation étrangers chez nous. Pour le premier, on lui ajoute dans le titre“Blanche Neige” quitte à l’alourdir, pour le second on raccourcit le titre original “Dreambuilders” et on lui préfère une affiche bien vilaine avec cet hamster géant qui occupe tout l’espace mais une maigre partie du film.


Cependant, en dehors de ces quelques défauts dans sa distribution française, Dreams bénéficie d’un bon doublage.


Et le film se révèle même bien plus audacieux que Blanche Neige, les souliers rouges et les sept nains.


Son inspiration est évidente, dans celle des meilleurs films de Pixar, qui brassent des thèmes contemporains tout en proposant des films sans grand méchant, tout au plus des obstacles sur les chemins personnels de leurs héros.


Dans ce charmant film qui nous vient du Danemark (coucou !), c’est la famille qui est le socle sur lequel se base l’histoire. Celle d’une petite fille, Emma, d’un grand papa un peu maladroit mais plein d’entrain et même d’un cochon d’inde, Coco, dans une maison où ils vivent tous ensemble, avec une certaine joie, tandis que la mère, chanteuse, est partie continuer sa carrière ailleurs. Emma est heureuse de ce petit havre de paix, mais celui-ci est chamboulé avec l’arrivée de la nouvelle compagne de son père, et de sa fille.


Emma est une fille simple, qui aime les petits bonheurs, même si elle a de drôles de goûts en pulls. Mais sa colocataire imposée est une adolescente le nez dans l’écran de son téléphone portable, la réplique sèche facile, l’égoïsme en point d’équilibre. Elle prend de plus en plus de place dans cette maison, et plus particulièrement dans les attentions de son père.


Alors Emma va modifier la réalité.


Elle peut le faire, de façon indirecte, parce qu’elle a découvert qu’en agissant sur les rêves des autres, elle peut interférer sur leur comportement le lendemain et les jours suivants.


Car Emma a appris que les rêves, si charmants, parfois si angoissants, étaient façonnés par une curieuse espèce dévouée à leur réalisation, chacun d’entre eux étant comme une scène de théâtre, avec son décor, ses acteurs et son script.


L’idée est belle, elle est traitée avec ingéniosité, l’espace des rêves comme une construction de fiction, comme si toute une équipe était au service de nos nuits. Notre imaginaire travaille, d’autres lui donnent forme.


Ce monde des rêves dans Dreams est ainsi représenté par des plateaux de théâtre, reliés entre eux par des rails, suspendus dans un vide étrange. Chaque personne a le sien, avec son responsable dédié. Celui d’Emma va se laisser emporter par ses idées de plus en plus folles. Elle pervertit le juste équilibre, en faisant des rêves un outil pour agir sur les autres.


Bien sur, elle n’a pas un mauvais fond et sa belle-sœur ne lui facilite guère la tâche. Mais ce que dit le film concerne bien sur le sort des familles recomposées, et la tâche est ardue pour chacun de trouver un nouvel équilibre, où chacun peut avoir sa place. Il faut écouter et comprendre les autres, faire un pas vers les autres personnes.


Certes, Dreams reste assez consensuel, les bons sentiments gagnent toujours. Mais ce que le film implique pour construire une nouvelle famille, différente, et possiblement enrichissante pour tous, est assez bien vu. Emma et sa belle-sœur apprendront le message, elles évolueront au fil de leurs erreurs, mais aussi en se confiant à l’autre. La déclaration de guerre sera un peu trop facilement enterrée, mais c’est aussi parce que le film se veut optimiste, réconfortant, quitte à être parfois naïf. Il n’y a pas de véritable noirceur, juste des intentions maladroites, le monde des rêves est plus merveilleux qu’angoissant, les cauchemars étant quasiment absents.


Les personnages adultes, le père et la belle-mère, ne semblent cependant pas assez développés, toujours dans l’ombre des actions et des réactions de leur progéniture respective. Eux n’évolueront pas, figés dans leurs traits de caractère initiaux. Une plus grande exposition ou une participation plus active dans les relations entre les deux jeunes filles aurait été appréciable, mais il est vrai que le métrage est assez court, ses 1h21 générique compris étant vite déroulées.


Certes, l’ambition ne peut pas être la même qu’un Pixar, même si l’inspiration en vient. L’animation n’a pas la même fluidité. Dreams, comme tant d’autres productions animées, sacrifie parfois à des représentations assez classiques, des personnages qui ressemblent à d’autres (la belle-mère, sa fille), une esthétique ronde, colorée et propre sur elle-même.


Pour autant, Dreams arrive à imposer tout de même un personnage central charmant, aux réactions humaines, aux émotions bien retranscrites. Emma est une chouette petite fille, en décalage avec certaines attentes modernes, qui ne recherche que l’amour de son père, tout simplement.


On peut même ajouter que son monde des rêves fait, à juste titre, rêver, ses différents plateaux, parfois à peine entrevus sont évocateurs de belles aventures. Cet univers suspendu est le monde des possibles, mais son plancher des vaches, dans un autre registre, est aussi une belle découverte. Cet univers hors de la réalité que nous propose Dreams est d’ailleurs un des points majeurs du plaisir ressenti devant le film, ses scènes dans le monde réel des personnages étant parfois un peu trop simplistes.


Dreams est assurément l’une des belles découvertes des salles de cinéma de cette curieuse année de 2020. Le contexte n’est guère facile pour lui, les salles sont abandonnées, et c’est bien dommage. Heureusement le film pourra se rattraper sur d’autres circuits de distribution, il le mérite. S’il n’est pas sans défauts, il se révèle malgré tout assez original, parfois ingénieux, en tout cas suffisamment créatif pour être salué dans une production animée parfois tristement conventionnelle.

SimplySmackkk
8
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le 27 août 2020

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