Je me souviendrai toujours de la première fois où j'ai vu Drive.
J'avais 10 ans, une amie de ma mère nous avait donné ce film en disant qu'elle l'avait beaucoup aimé. Or c'était un midi d'été, et la seule chose à laquelle on pensait était de sortir - on n'était clairement pas d'humeur à voir ce film. En fait, on n'était tellement pas d'humeur qu'on l'a arrêté au bout de 20 minutes, et pendant 9 ans je me suis souvenu de ce film comme l'un des moments les plus chiants de ma vie.
Puis des années plus tard, j'ai vu The Neon Demon, que j'ai adoré. Autour de moi, je n'entendais que du bien de ce mystérieux Drive. Et en plus, un film avec Ryan Gosling ne pouvait pas être si mauvais que ça...
Alors j'ai craqué. Un matin comme un autre, je me suis dit qu'il était temps de percer ce mystère : était-ce vraiment un mauvais film, ou est-ce que le moi de 10 ans était stupide ?
Verdict : jamais je n'ai eu autant envie de frapper le moi de 10 ans.
Ce film a une esthétique impeccable, non seulement du point de vue de l'image mais aussi des sons : l'absence totale de dialogues au début, les thèmes marquants (there's something about you boy) renforcent l'esthétique presque cyberpunk du film, et lui donnent une ambiance particulièrement unique. Même un néophyte pourrait dire "le travail du son dans ce film est incroyable", alors que la mode dans beaucoup de films est de mettre de simples sons et musiques d'ambiance, et c'est vraiment superbe (surtout pour un étudiant en son comme moi) !
L'esthétique est telle que l'histoire passe au second plan ; en fait, ce film est beau, de tous les points de vue. La beauté de ce film est telle que j'ai eu l'impression qu'il était, à lui seul, un portail vers un nouveau monde - comme dans la scène au cinéma dans Donnie Darko. Un monde s'ouvrait à moi, mi-réaliste mi-cyberpunk.
Et dans ce monde à l'esthétique léchée, il y a des acteurs bluffants, en particulier Ryan Gosling. Ryan est simplement parfait dans son rôle de faux-méchant au grand cœur, il n'est jamais à côté de la plaque même lorsqu'il doit violemment tuer quelqu'un juste après avoir embrassé la belle Carey Mulligan. Il arrive à montrer le côté sombre du personnage tout en gardant une sorte de candeur bouleversante, et j'ai rarement vu un tel personnage au cinéma.
Et les autres acteurs ne sont pas en reste : Carey Mulligan est plus que convaincante dans son rôle de maman esseulée, si bien que plusieurs fois pendant le film j'ai eu envie de traverser l'écran pour l'aider et la faire sourire. Les seconds rôles sont excellents, on a enfin droit à de vrais méchants convaincants, que l'on a vraiment pas envie de croiser dans la rue - et c'est assez rare pour le noter, on a de l'empathie et/ou de l'admiration pour la plupart des méchants qu'on le veuille ou non (Scar, Hannibal Lecter...). Refn a pris des archétypes de personnages (l'antihéros, le mafieux, la mère célibataire...) et les a complètement transformés pour en faire quelque chose de sublimement unique : il n'y a pas deux Irene.
Nicolas Winding Refn me force à apprécier ses films non pas pour ses histoires (dont je me souviens à peine d'ailleurs), mais pour la beauté du geste, le geste de l'artiste qui un jour décide de faire une œuvre qui marque. Nicolas Winding Refn est un peintre qui a décidé de faire une toile - cette toile s'appelle Drive, et elle m'a bouleversé.
Et si ce film était vivant, j'aimerais simplement lui dire :
There's something inside you
It's hard to explain
They're talking about you, boy
But you're still the same
https://www.youtube.com/watch?v=MV_3Dpw-BRY