Dans Chantons sous la pluie, Stanley Donen s'amusait à montrer l'artificialité du cinéma hollywoodien grâce à des numéros musicaux rondement menés. Je vois Drôle de frimousse comme le prolongement logique de ce film, puisqu'il s'attache à remettre en cause ce qu'est une image à travers le monde de la photographie et de la mode.


Le message est très clair : chaque image est fabriquée. Le réalisateur place cette idée au cœur de l'histoire à travers le personnage de Fred Astaire, un photographe de mode subjugué par le physique si particulier d'une jeune libraire, interprétée par Audrey Hepburn. Ainsi, l'homme va donc mettre sa muse en scène pour capter tout son charme sur une pellicule, et Donen nous donne à voir l’entièreté de ces séances photo. Leur résultat est illustré par de magnifiques arrêts sur image, qui s'autorisent quelques fantaisies en changeant plusieurs fois de couleur.


D'ailleurs, la couleur est elle aussi un argument phare du propos. Outre les coloris visant appuyer le caractère factice de la mode, le réalisateur propose ironiquement quelques scènes "conte de fées" en poussant le côté parfait et lisse des images dans ses derniers retranchements. Ainsi, les scènes dégoulinantes de niaiserie comme celle de la robe de mariée prennent toute leur saveur si l'on emploie un second niveau de lecture. Par ailleurs, les tons généralement vifs et gais des décors rendent le cadre particulièrement animé et permettent à Audrey Hepburn d'être encore plus lumineuse que d'habitude, ce qui est finalement paradoxal quand on voit que son personnage s'habille avec de vêtements simples et ternes.


Cette opposition est bien évidemment là pour marquer le fossé qui sépare le monde de la libraire et celui du photographe. Le film porte un regard amusé sur ces deux milieux mais ne prend pas parti. L'hystérie des rédactrices du Quality Magazine est tout aussi moquée que l'anticonformisme des intellectuels parisiens, ce qui permet à l'ensemble de rester très léger.


Stanley Donen reprend donc quelques codes du conte pour faire de cette comédie musicale un joyau coloré. La prestation d'Audrey Hepburn véhicule une énergie folle qui m'a personnellement scotché sur mon siège. Une chose est sûre, je me souviendrai longtemps de cette drôle de frimousse !

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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Le Watching Challenge 2016 de la carte mémoire et 100 films, 100 réalisateurs par Alain B.

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le 29 févr. 2016

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