Lone Survivor aka Du Sang et des Larmes raconte l'échec de l'opération Red Wings SEAL contre les Talibans en 2005, lors du conflit avec l'Afghanistan. Il faut commencer par évacuer la petite polémique redondante : il y aura toujours des esprits fin et avertis pour nous répéter, à chaque film de guerre américain, que la propagande est naturellement de la partie, que l'ensemble croule sous un patriotisme frappadingue, que dans le fond toute cette entreprise est bien nauséabonde. Non seulement ce n'est pas le cas ici, non seulement la réalité du genre est bien plus nuancée, mais surtout accoller encore une fois ce raisonnement systématique de petits universalistes paresseux ne fais pas seulement rater le film. Il ignore carrément la trajectoire de ces soldats : aucune conscience de leurs intentions, de la noblesse de leur statut ; aucune perception de la complexité de leur situation, pas plus que la douleur qu'ils éprouvent.

Du Sang et des Larmes est effectivement une glorification de ces héros anonymes envoyés au combat pour assurer la préservation ou l'expansion de leur pays. Ils ne sont sans doute que de simples outils dans des plans qui les dépassent et nous ne voyons pas les élites ni les intérêts commandant ce conflit. La vocation du film n'est pas là et de toutes manières, il nous présente une déroute américaine. Mais avec des braves. La réalisation se concentre sur les épreuves auxquelles ils sont confrontés, avec les dilemmes moraux, diplomatiques et techniques se posant incessamment. Le point de vue est réaliste. Si ces hommes sont affichés comme des héros, ils sont d'abord normalisés et totalement soumis aux circonstances. Ils n'ont pas de « destin manifeste » en mesure de tromper la réalité.

Les spectateurs tombent et souffrent avec ces hommes et se confrontent à une représentation d'un conflit armé et physique tel qu'il peut être aujourd'hui et pour des hommes impliqués dans le combat direct. Il n'y a aucune sorte de manichéisme et Peter Berg s'engage même à présenter les Afghans tels qu'ils sont, par le regard du dernier survivant, qui perçoit leur mode de vie, leurs traditions ; celles-là qui justement lui valent d'être sauvé, car là encore derrière le conflit orchestré et les groupes engagés dans leur mission en dépit des risques concrets, se trouvent des individus réels, dont la haine ou la violence ne sont pas gratuites. Bien sûr, Du sang et des Larmes demeure un film états-uniens et c'est la situation des siens qui importe en premier lieu, pour autant l'emphase est au service de la vraisemblance et du concret, d'aucune sorte de mystification. Voilà un spectacle faisant honneur aux soldats et aux guerriers, quand l'idéologie ou la politique ont désertés et que des gens font ce qui est indépassable : ils font le boulot, quand d'autres sont confortablement en train de somnoler et peut-être d'en récolter les fruits, avec éventuellement l'impudence d'émettre de petites réserves morales.
Zogarok

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6

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