Alors, je ne sais pas si c'est le cinéphile que j'étais en 2021 qui était nettement plus indulgent que celui que je suis en 2024 (j'ai trop la flemme et trop d'autres films à visionner pour le vérifier !) ou s'il y a eu entre les deux volets une spectaculaire baisse de qualité, le fait est que Dune - Deuxième partie est, selon moi, raté.


Je précise que je n'ai pas du tout lu la saga littéraire, donc je n'écris ici que la critique d'un long-métrage de cinéma, sans tenir (trop !) compte du côté adaptation.


Bon, techniquement, à part un abus du filtre jaune (filtre jaune, désert, désert, filtre jaune !) dans la première moitié, du point de vue de la photo et des effets spéciaux, ça fait le boulot. Et cela fait toujours du bien après une époque lors de laquelle on a eu une avalanche de bousins, à plus de 300 millions de dollars pièce, avec du CGI atroce de chez atroce et atroce associées.


Mais une technique, aussi maîtrisée soit-elle, ne peut compenser une écriture médiocre. Les scènes s'enchaînent, la plupart sans qu'un minimum de contexte soit creusé. Les victoires ou les défaites avec tout plein de belles explosions débarquent, sans que jamais, on montre comment on arrive là, pourquoi on en arrive là, de voir le protagoniste ou un des antagonistes élaborer une stratégie pour parvenir à ses fins (ce qui aurait aidé considérablement à la construction des personnages, autre gros souci sur lequel je vais revenir !). Outre le contexte, émotionnellement, l'impact aurait été renforcé (sans parler du suspense, de la tension !). Là, ce sont uniquement des explosions, avec rien de plus. Bordel, mettez bien en exergue vos enjeux, merde. Pour la romance, idem, mêmes problèmes.


Oui, je sais que les livres adaptés sont de beaux morceaux et qu'il faut forcément couper dans le gras, mais quand même.


C'est dommage, car il y a des choses d'esquissées intéressantes, autour du pouvoir, de la possession dans laquelle peut entrer celui ou celle qui le possède. Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument. Mais, sans que rien soit approfondi autour de cette thématique qui me paraît être tout de même essentielle, pour ne pas dire être le cœur même de l'ensemble. Mais, au lieu d'y aller pleinement, le tout préfère prendre un maximum de temps pour enchaîner les séquences d'action sans âme (en plus de trop se ressembler pour que ça ne finisse pas par être trop monotone !), car sans contexte, sans émotion. Tout est survolé vitesse grand V.


Dans cette optique, quand une révélation loin d'être négligeable, autour de la mère du personnage principal, est balancée aux spectateurs, déjà, cela aurait eu plus de gueule si on l'avait découverte à travers une vision du héros et non pas au détour d'une réplique dite avec autant d'intensité que l'énumération d'un élément d'une liste de course (d'ailleurs, les acteurs conservent le même ton monocorde du début jusqu'à la fin, quelles que soient les circonstances ; en conséquence, pour s'investir avec les personnages, on peut se brosser !), ensuite, ça n'a pas la plus petite conséquence scénaristiquement ou psychologiquement.


Outre le ton monocorde, l'interprétation n'est pas du tout à la hauteur. Parfois à cause de l'écriture des personnages, parfois à cause d'une erreur de casting.


Dans ce dernier cas, Timothée Chalamet est beau gosse, qui fait mouiller les jeunes filles en série puissance 10000 (tant mieux pour lui !), tout mignon, mais au-delà de cela, il n'a pas l'autorité naturelle, la force physique sous-jacente, le charisme étincelant qui parviendraient à faire croire qu'il puisse être un leader exceptionnel, provoquant un fanatisme sans bornes de ses troupes. J'ai vu surtout un yorkshire essayant pathétiquement de se faire passer pour un doberman.


Florence Pugh apparaît trop peu pour avoir quoi que ce soit à défendre. Putain, on ne prend pas une actrice aussi talentueuse pour en faire que dalle. Le personnage de méchant, à qui Austin Butler prête sa tête et son visage tout rasés, n'a la possibilité de mettre en relief sa cruauté qu'en zigouillant, à chaque fois, le premier malheureux sbire qui lui tombe sous la main (alors qu'au détour d'une scène, avec Léa Seydoux, il y a un portrait de lui, exposé verbalement, qui promettait nettement plus de complexité dans sa représentation !). La manipulation à la Machiavel dont fait preuve la mère, jouée par Rebecca Ferguson, n'est pas développée filmiquement. Oui, il faut bien une énième attaque avec explosions, sans le moindre contexte, à la place.


Difficile, pour moi, de prendre le long-métrage au sérieux. Bref, du vide avec une belle technique, mais du vide malgré tout. C'est la première fois que Denis Villeneuve me déçoit autant.

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le 28 févr. 2024

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Plume231

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