Possédant des bases peu solides en histoire, je ne m'attarderai pas sur le côté historique de cet évènement finalement assez peu connu de la 2nde Guerre Mondiale. Quitte à parler d'un sujet, autant le connaître sur le bout des doigts, n'est-ce pas ? Je vais donc plutôt aborder l'aspect cinématographique du film.
Depuis plus de 15 ans maintenant, Christopher Nolan a toujours su s'approprier, avec aisance et efficacité, différents genres et univers, et proposer au spectateur quelque chose qui collait à ses propres influences, à sa manière de montrer et raconter une histoire, à sa vision personnelle du cinéma, que ce soit dans le monde des rêves, la tête d'un amnésique, l'univers de la magie, l'espace ou encore à Gotham City.
Et aujourd'hui, en s'attaquant à un épisode bien réel de la 2nde GM (l'opération "Dynamo"), Nolan revient avec ce qui pourrait s'apparenter à première vue au film de guerre, mais qui se rapproche finalement beaucoup plus, et cela à bien des égards, du film catastrophe. Une nouvelle preuve que Nolan ne fait jamais les choses comme les autres.
Car c'est à une véritable expérience sensorielle que nous convie Nolan avec ce "Dunkerque", divisé en trois parties (air, mer, terre) qui s'entremêlent durant le film.
Mêlant à la fois minimalisme et gigantisme, plans d'ensemble lorgnant vers l'horizon et espaces confinés (la cabine d'un avion Spitfire, la cale d'un navire de guerre s'apprêtant à sombrer,...), périodes d'attente et moments de bravoure, les soldats comme les spectateurs y sont bousculés de toutes parts, pris en étau par un ennemi invisible, mais dont on connaît tous le visage (à l'image du Joker, dont la présence inquiétante et chaotique hantait chaque plan de "The Dark Knight", qu'il y soit ou non), pouvant frapper à n'importe quel moment et de n'importe quel endroit sans crier gare.
Le but n'est ici plus de riposter, mais de se défendre et, surtout, de survivre coûte-que-coûte. Et cette survie ne s'opère pas par la théorie, les mots (assez peu présents, même pour ce genre de film), mais bien par du concret, par des actions, grandes ou petites, qui pourront permettre de sauver le plus de soldats possible. Agir pour survivre, en somme.
Cette oppression incessante qui englobe tout le film est renforcée par le soin tout particulier apporté à son aspect sonore, renforçant encore davantage le danger et la peur que représente l'ennemi (toujours filmé hors-champ ou de très loin) et la tension qui se lit sur les visages de tous ces soldats britanniques, très jeunes pour la plupart d'entre eux.
La composition d'Hans Zimmer elle aussi, omniprésente et toujours impeccable, agit comme une sorte de course contre la montre (et la mort), dont le tic-tac pesant peut-être assimilé aux battements de cœurs de ces soldats pris au piège et voulant à tout prix s'en sortir, et permet à l'ensemble du film de conserver cette tension qui ne le quitte jamais, même lors des quelques moments de répit (mais sont-ce vraiment des moments de répit ?).
Cette construction éclatée du récit et cette manière singulière de montrer la guerre procure au film un rythme très particulier, à la fois calme et intense, et pourra en déconcerter certains d'entre vous, surtout ceux qui s'attendaient à un film de guerre plus "classique", du type "Soldat Ryan" (que je trouve tout aussi efficace, mais d'une autre manière).
Mais, à l'image du film, dont l'une des inspirations fut "Mad Max : Fury Road" (un autre film dont le récit et la tension, et les sensations qui en découlent, passent principalement par sa mise en scène), la guerre n'a rien de classique, de logique. Sa seule logique est de tuer et de conquérir. La guerre n'a pas toujours besoin de mots, les images parfois suffisent. La guerre est imprévisible, elle frappe où elle veut et quand elle veut. La guerre n'a pas de visage précis, elle peut être en chacun de nous. La guerre enfin, ne laisse personne totalement indemne, qu'il soit un soldat ou un civil.
Et avec ce film, dénué de gros effets de style et allant à l'essentiel, Nolan nous offre une bonne illustration de ce qu'est la guerre et de ce qu'elle peut provoquer en chacun de nous.

Raphoucinévore
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le 4 août 2017

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