La démarche de Nolan avait tout pour me plaire : face aux films de guerre patriotiques, génériques, médiocres qui se produisent à la chaîne en ces temps cinématographiques qui érigent la médiocrité – même dans le registre de l'impressionnant - en étendard, ce dernier comptait rendre une âme à ce genre originellement si intéressant et riche en questionnements existentiels, et surtout lui rendre une originalité, en y insufflant des thèmes qui lui sont chers comme, par exemple, le temps.
Mais voilà, Nolan semble se perdre dans ses ambitions artistiques et ce qui devait être à mon avis l'intérêt central et le plus grand atout du film la gestion du temps, a finit par m'être l'élément le plus agaçant.
Et pourtant, le films commençait bien : La tension s'installe, on s'interroge, le temps se déroule lentement, posément, et brusquement, les bruits assourdissants des mitraillettes rompent un silence de mort. Puis, arrivé sur la plage, le rythme ralentit pour mieux accélérer lors des bombardements.
Nolan annonçait parfaitement la suite : des jeux sur les contrastes, au niveau du rythme mais aussi au niveau du son, et une musique haletante et incroyablement efficace, tout cela mis au service d'une ambiance extrêmement anxiogène.
Mais là ou les choses se corsent, c'est lorsque Nolan commence à diviser la narration en plusieurs histoire parallèles : je vais être honnête, à partir de là, je me suis perdu. Alors j'envisage bien que la faute me revienne, j'étais peut-être simplement trop fatigué, ou même trop con… mais pourquoi le film me happait-il jusque là ? Non, je crois que si mon état psychique avait en effet son rôle à jouer (j'étais en effet très fatigué), Nolan n'y est pas pour rien non plus. En soi, l'idée des histoires parallèles qui se recoupent, ce n'est pas une mauvaise idée, et ça peut très bien fonctionner, mais le problème c'est qu'ici, Nolan passe d'une histoire à l'autre en 30 secondes chrono…
Et puis cette histoire des durées différentes selon le véhicule, si elle était tout aussi intéressante, n'est même plus remarquable ou compréhensible… tout se noie sous une espèce de bouillie informe…
Comment s'immerger dans l'histoire à partir de là, alors qu'on ne fait que survoler et picorer dans chacune d'entre elles pendant 90 minutes ? Comment s'attacher à un personnage, alors que dès que l'émotion se met à poindre, Nolan nous balance dans un autre côté de l'histoire ? L'attachement aux personnages n'est-il pas un paramètre central et insoustrayable dans un film où le danger est au centre des enjeux ?
Et on tient ici toute l'ironie du problème du film : là où son rythme haletant devait être un facteur de tension majeur, c'est justement celui-ci qui désamorce toute possibilité de tension, car on n'a le pas le temps de voir le temps nous manquer, on n'a pas le temps de se sentir en danger, on n'a pas le temps de s'immerger dans une histoire.
Et puis, même si Nolan semble tenter des variations de rythme durant le film, notamment en alternant entre la tension énorme qui pèse sur le grand bateau et la tranquillité du petit bateau, cela passe uniquement par l'action : pour que cela soit efficace, il aurait fallu à mon avis jouer sur la durée des séquences se focalisant sur l'une ou l'autre des histoires...le rythme aurait du passer par le montage et non l'action.
Bref, j'ai eu le sentiment, pendant tout le film, d'être un aviateur survolant la Manche et regardant en vue panoramique les différentes choses qui se passaient en mer, sans jamais me centrer sur l'une d'entre elles : je voyais bien, un peu, mais de loin, à l'extérieur, bien en sécurité et en ne comprenant jamais qu'à moitié ce qui se déroulait sous mes yeux.