Karel Tuytschaever : Easy Tiger. Moyen métrage dramatique belge. 2022.

On dit « easy tiger » quand on veut que quelqu'un se calme, qu'il ne devienne pas trop émotif ou qu'il ne se précipite pas dans quelque chose sans y réfléchir....

Ce premier film du Belge Karel Tuytschaever, Easy Tiger nous plonge dans l’intimité et les désirs confus d’un psychologue clinicien (troublant Mickaël Pelissier).

Le psychologue semble avoir une belle vie avec sa femme. Mais après une séance particulièrement intense avec un de ses clients sourd muet ils s'enlacent et ce contact crée une relation qui se transforme en liaison, et le psychologue est incapable de comprendre qui il est et ce qu'il veut.

S’attachant essentiellement à la gestuelle des corps et aux contacts entre eux, le réalisateur examine comment la corporéité peut constituer un récit à part entière devant l’objectif, et comment la même œuvre audiovisuelle peut fournir, autant que possible, la même expérience pour les spectateurs entendants et non/partiellement entendants. Accordant une grande place à la langue des signes, une expérience filmique aussi étrange que captivante, sensuelle que fascinante, cérébrale que généreuse.

Le film dure moins de 60 minutes et regorge de moments décalés et d'images inoubliables. On s'en souvient longtemps après le générique, ce qui en dit long.

Je lis que c’est un film creux. Je ne crois pas. Easy Tiger » est vraiment différent.

L'histoire est peut-être sobre, mais c'est là toute la beauté du film, laissant les interactions entre le psychologue et son patient ouvertes à l'interprétation.

Avec si peu de dialogues, c'est leur interaction corporelle qui rend le film palpable (ce qu’auparavant j’ai nommé corporéité).

Malgré une intrigue lente et peu d'action, il propose d'aborder la santé mentale, les personnes handicapées, les massages qui ne passent que par le corps, et donne matière à réflexion.

Tout n’est pas expliqué, des zones du scénario restent volontairement floues.

Mais de toute façon c’est la réalisation qui compte ici :

Le patient est malentendant, donc sa séance avec le psychologue se déroule en langue des signes. Toutes les conversations du psychologue avec sa femme sont uniquement sous-titrées, les images ne les montrant pas au moment de la conversation, mais dans une autre situation (ou pas du tout). Il s’agit pour le cinéaste d’essayer de créer une pour les spectateurs une expérience presque identique pour les spectateurs sourds/malentendants et les entendants. D’où cette impression de flottement que certains reprochent au film.

C'est une tentative intéressante, certes, mais exigeante pour le public, qui doit revoir ses habitudes de visionnage. Et ça ne fait pas de mal de le faire de temps en temps.

Sur moi ça a marché.


Henri Mesquida pour le groupe Facebook : "cinéma et littérature gay".

HenriMesquidaJr
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