"Ses Ailes de géant l'empêchent de marcher..."

Il était une fois un curieux bonhomme du nom d'Edward... Créé par un inventeur solitaire dans son grand château sombre et plein de machines toutes aussi bizarres que merveilleuses, son « père » mourut avant d'avoir pu terminer son œuvre. Edward resta ainsi longtemps, avec un cœur pour aimer et un cerveau pour comprendre mais avec des sortes de ciseaux à la place des doigts, jusqu'à ce qu'une représentante en cosmétique, Peggy Boggs, le trouve dans son château et le ramène dans la civilisation...


Edward aux mains d'argent reste peut-être à ce jour la réalisation la plus personnelle de Tim Burton. Au départ une démarcation sur le thème du roman Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley, qui dépeint le rapport à la société d'un monstre artificiel qui ne peut y vivre comme un être humain normal, le récit s'oriente vite vers une satire des relations sociales, de ce besoin d'apparence qui nous lie aux autres : même devant l'atrocité de la condition que subissent certains, l'exigence de l'étiquette nous pousse à ignorer leur détresse véritable, leur différence qui fait d'eux des victimes mais aussi des individus incomparables aux autres.


Et c'est là qu'Edward verra ses blessures s'ouvrir encore davantage, car chacun à sa manière essayera de profiter de lui, de ces qualités inhumainement supérieures que lui procure sa « particularité » : d'abord à travers des requêtes innocentes en apparence, puis avec une certaine perversion, enfin dans un but foncièrement criminel... Élevé dans un château digne d'un conte de fées, avec pour seule compagnie un vieillard certes un peu excentrique mais dont la bonté d'âme ne laisse aucun doute, Edward ne dispose pas des armes psychologiques pour lutter contre de telles manœuvres ; comme le bébé qui vient de naître, ou encore le monstre du docteur Frankenstein lui-même, il est innocent – dans tous les sens du terme.


Pourtant, et en dépit de cette innocence, voire peut-être grâce à cette innocence, Edward possède un talent à nul autre pareil. Toutes ces années de solitude passées dans le château de son créateur lui ont permis de développer une maîtrise incroyable de ces espèces de ciseaux qui lui tiennent lieu de mains : capable de sculpter les matières les plus improbables avec une précision sans faille, c'est un artiste au sens strict du terme, et il vit dans une dimension inaccessible au commun des mortels qu'il ne peut pas plus comprendre que ceux-là peuvent saisir ce qui l'anime ; tout comme L'Albatros de Baudelaire, ses ailes de géant l'empêchent de marcher...


Voilà comment, pour son thème certes classique mais néanmoins revisité avec grand brio, qui lui confère les accents d'éternité des contes d'antan, mais aussi pour sa direction artistique formidable ainsi que sa réalisation sans faille, Edward aux mains d'argent demeure un pur enchantement même près de 20 ans après sa sortie.


Récompenses :



  • Prix Hugo du Meilleur film en 1991.

  • BAFTA Award de la Meilleure direction artistique en 1992.

  • Saturn Award du Meilleur film de fantasy en 1992.

  • Sant Jordi Awards du Meilleur film étranger et de la Meilleure actrice étrangère (Winona Ryder) en 1992.


Notes :


Le film a été tourné dans le petit village de Land O'Lakes, en Floride ; sept maisons différentes servirent pour la réalisation des diverses scènes d'intérieur qui parsèment le récit.


L'apparence d'Edward s'inspire beaucoup de celle du chanteur Robert Smith du groupe de rock et de new wave anglaise The Cure, et sa coiffure de Tim burton lui-même.


Quant au nom d'Edward, il viendrait de celui du réalisateur américain Ed Wood auquel Tim Burton voue une immense admiration.

LeDinoBleu
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le 8 mai 2011

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