Après une malheureuse rencontre avec un volatile, une jeune fille ramène un œuf dans sa chambre pour s'en occuper. Ce dernier grossit dans des proportions inattendues et éclot en donnant naissance à une créature des plus étranges...

En tant que fable métaphorique, il faut

bien avouer que "Ego" est un film extrêmement malin par sa manière très élaborée d'assimiler un florilège de troubles psychologiques (et même parfois physiques) d'une héroïne de cet âge à son concept d'oeuf fantastique et de son surprenant contenu. Bien sûr, à travers les énormes fissures qui craquèlent la coquille caricaturale de sa famille modèle, les frustrations d'un syndrome de fille parfaite sont les plus évidentes mais "Ego" ne limite jamais le champ des maux qui habitent l'enfant à cela, s'amusant à distordre son spectre d'exploration parfois à son plus large avec les affres universels propres à l'aube de la puberté pour ensuite mieux se concentrer sur une faille plus spécifique comme par exemple la peur d'épouser par mimétisme les traits d'un modèle que la jeune fille réalise déviant. En cela, "Ego" tire invariablement de très belles idées pour matérialiser et faire vivre à l'écran un kaléidoscope de souffrances sous des aspects inattendus, notamment par un rapport gémellaire qu'il institue assez rapidement et des effets de reflets déformants (ou de répétition) tout au long de son récit. À l'instar de la qualité de l'interprétation (le duo mère-fille est épatant), la mise en scène est bien entendu partie prenante dans cette réussite, tout autant d'un point de vue de l'univers très coloré et lumineux qu'elle instaure comme un cocon de perfection familiale illusoire que par l'horreur concrète qu'elle y répand rapidement par sa couverture fantastique en vue d'en faire une réponse violente à une douleur trop longtemps étouffée derrière le mur des apparences.


Maîtrisée dans sa préparation, l'omelette métaphorique proposée par "Ego" pourrait donc être un met d'exception mais elle va curieusement montrer quelques problèmes d'assaisonnement à la dégustation.

D'abord, même si l'on en a vanté l'esthétique, l'espèce d'entre-deux entre le réel et l'image d'Épinal dans lequel se situe l'univers du film va parfois le desservir sur le fond, en figeant par exemple une partie des personnages à quelques traits volontairement grotesques pour en faire uniquement des caricatures antipathiques et dont le rôle par leurs excès ou manquements ne se résume qu'à être facilement pointées du doigt (le père et le fils par opposition au duo principal). Outre le fait qu'elles renvoient à l'inverse de l'image de perfection tant désirée par la mère, ces silhouettes grossières d'êtres humains sont avant tout un symptôme du schéma scénaristique finalement assez simpliste dans lequel s'enferme "Ego", sa première partie se contentant d'exposer au plus vite tous les travers assez convenus de l'environnement proche de son héroïne pour ensuite leur faire subir un inévitable déchaînement de fureur refoulée au gré de l'évolution de son œuf et de son contenu. Ne soyons pas totalement injustes, dans la deuxième moitié du film, cette structure narrative dévie parfois de ses rails prévisibles grâce à quelques détours plus inattendus comme la bienveillance d'un adulte là où ne l'aurait pas forcément soupçonnée ou la façon d'aborder la créature dans la réalité de ce petit monde (ce parti pris est néanmoins discutable, on vous laisse le soin d'en juger) mais, dans les grandes lignes de son déroulement , "Ego" a toujours bizarrement un mal fou à créer la surprise malgré les belles trouvailles de son traitement (l'inéluctable face-à-face final et ses conséquences en sont la parfaite illustration).

À cause du canevas trop rigide sur lequel il se bâtit, "Ego" n'est donc peut-être pas le total OEUFNI tant espéré mais sa manière très bien pensée d'incarner l'esprit sous pression de sa petite héroïne à son postulat fantastique en font tout de même une fable à la singularité prometteuse et astucieuse. À découvrir.

RedArrow
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le 4 mai 2022

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