La réalisatrice hongkongaise la plus connue est certainement Ann Hui. Mais il ne faut pas croire qu’elle est la seule et s’il y avait un deuxième nom à citer, ce serait certainement Mabel Cheung qui s’est fait une jolie petite réputation auprès des amateurs de cinéma de Hong Kong. La sortie chez Spectrum Films d’un coffret qui lui est dédié est l’occasion de reparler de Eight Taels of Gold (1989), dernier volet de la « Migration Trilogy » de Mabel Cheung, après The Illegal Immigrant (1985) et le gros succès An Autumn’s Tale avec Chow Yun-Fat, lui aussi prévu prochainement chez Spectrum Films. Scénarisé par Alex Law, réalisateur d’Echoes of the Rainbow (2010) et Painted Faces (1988), également sortis toujours chez Spectrum, Eight Taels of Gold a été nominé pas moins de huit fois aux Hong Kong Films Awards de 1990, repartant avec la statuette de la meilleure bande originale. Le film a même été sélectionné comme représentant de Hong Kong aux Oscars, bien qu’il n’ait finalement pas réussi à figurer dans le Top 5 des nominations. Alors (re)découvrons ensemble ce petit bijou méconnu du cinéma de Hong Kong.


Slim (Sammo Hung) a fui la Chine du Sud pour les U.S.A pendant la révolution culturelle il y a quelques années. Aujourd’hui, il décide de revenir pour retrouver sa famille. Il va être guidé par une vieille connaissance (Sylvia Chang) dans un voyage semé d’embûches et de malentendus. Malgré tout, il commence à apprécier sa compagnie au point que ses sentiments envers elle vont évoluer, surtout lorsqu’il retrouve sa famille et qu’il la reconnait à peine. Mais le destin a encore des tours à lui jouer… Avec Eight Taels of Gold, Sammo Hung prouve une fois de plus qu’il sait jouer la comédie et qu’il n’est pas bon qu’à distribuer des tatanes. Il trouve sans doute ici et dans Painted Faces l’année précédente ses plus beaux rôles en termes de jeu pur. Sa performance est émouvante et mélancolique. En face de lui, une Sylvia Chang qui fait toujours preuve d’une très grande justesse, à la fois humaine et sensible. On nous les présente tous les deux tels qu’ils sont, sans artifice, sans insister sur une quelconque beauté ou un autre trait particulier, et leur alchimie est merveilleuse. L’amour sous-entendu qui se développe entre leurs personnages est merveilleusement doux-amer, fait de moments tendres, chaleureux, avec un final de toute beauté, assez inattendu, et surtout marquant. Difficile de ne pas se faire tirer une larme par ce final et il y a fort à parier que les plus sensibles devront sortir les mouchoirs. L’histoire est assez émouvante, sans jamais tomber dans le sentimentalisme de bas-étage, bien qu’au final nous soyons plus dans une comédie douce-amère que dans un vrai drame.


Il y a de nombreux moments assez légers, voire comiques, comme la scène des turbulences dans l’avion ou encore cette discussion avec le chauffeur de taxi et le pourboire qui va avec. Mais surtout Eight Taels of Gold est un film qui parle de la vie, des joies et des peines d’un retour au pays, avec un rythme languissant mais nécessaire, qui n’ennuie jamais, et dans lequel il faut se laisser doucement embarquer tout en accompagnant ces personnages attachants. Eight Taels of Gold nous montre la vie dans les villages de Chine (chose assez rare dans le cinéma de Hong Kong à cette époque) et Mabel Cheung le fait avec un grand respect. Bien entendu, elle ne peut pas s’empêcher de lancer quelques piques à l’encontre du parti communiste chinois de l’époque. On retiendra par exemple cette critique de la politique gouvernementale d’interdire d’avoir plus d’un enfant, obligeant le petit frère de Slim et ses parents à fuir, à quel point le fait de s’exprimer était limité (l’interdiction de mettre les mains plus haut que les épaules lorsqu’on danse), ou encore la situation du moment sur les mariages arrangés. C’est un film bien plus subtil et profond qu’il n’y parait. Il parle des regrets, des nouvelles expériences, ou encore de notre mission sur cette terre. Il arrive à nous faire rentrer dans le monde et l’époque dans lequel il se déroule. Le fait de situer l’action dans ces petits villages permet à Mabel Cheung d’immortaliser de superbes paysages de la Chine Continentale, avec des cadrages très élégants et une utilisation souvent subtile des couleurs. La photographie est magnifique et chaque plan est d’une rare beauté. Que dire de la musique si ce n’est qu’elle berce nos oreilles, apportant un plus indiscutable pour finir de nous plonger dans cette histoire aussi triste que joyeuse, et méritant clairement son Hong Kong Film Awards.


Longtemps considéré comme un joyau perdu de Hong Kong, Eight Taels of Gold est une comédie douce-amère dans laquelle Sammo Hung trouve un de ses plus beaux rôles. Le film parfait pour qui voudrait se lancer dans la carrière de Mabel Cheung.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-eight-taels-of-gold-de-mabel-cheung-1989/

cherycok
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le 20 déc. 2023

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