Javier Bardem mérite son prix Goya du meilleur acteur. Enrobé et vieilli, il incarne l'héritier en fin de carrière d'une usine de fabrication de balances qu'il gère façon paternaliste avec une touche d'autorité. Mais juste, quand on évolue dans les balances !.. C'est le message que ce patron veut faire passer auprès de son personnel et s'en convaincre au passage. Tout irait bien dans le meilleur des mondes dans cette usine Potemkine, si on ne soulevait le rideau. C'est tout l'intérêt du film de Fernando Léon de Aranoa qui ne ménage pas les effets et surprises. De la caricature aux belles trouvailles poétiques comme ce gardien obèse amateur de rimes riches, qui applaudira Roméo et Juliette à l'opéra. Ou encore l'intérieur au décor suranné où les récompenses de l'entreprise tapissent le mur comme des trophées de chasse.
Derrière le rideau se cachent bien des dysfonctionnements : coucheries, incompétences, dissimulations... Mais la machine s'enraye vraiment quand un comptable est renvoyé. Surtout, il s'installe en face de l'entrée de l'usine et entame un siège aussi bruyant que dérangeant alors que Juan Blanco attend la visite d'une commission en vue de l'obtention d'un prix prestigieux. Le patron se démène pour refermer ce rideau et cacher ce que le jury ne saurait voir. Mais les emmerdes ça vole en escadrille comme disait un ancien président et là notre patron est servi.
On rit beaucoup. Les mimiques de Bardem, ses mensonges auxquels ils croient, ses ruses pour arriver à ses fins, son cynisme irrépressible, sa bonhommie franchouiarde, ses dossiers qui pourraient le faire tomber de son piédestal nous le rendent plutôt sympathique. Et si la fin est complètement amorale on a passé un bon moment.