Damiani la malédiction...de la révolution

Présenté dans sa version intégrale et pour la première fois en Blu-Ray, El Chuncho est tout simplement l'un des plus grands westerns italiens et inaugure le versant politique du genre. 55 ans après sa sortie en salles, il demeure toujours aussi moderne et lucide, et permet de revoir le génial Gian Maria Volonté dans l'un des rôles les plus marquants de sa carrière.


Considéré comme un des grands réalisateurs politiques italiens, Damiano Damiani reste relativement méconnu dans nos contrées. Fortement ancré à gauche, il n'est pas un auteur neutre comme le confirme sa filmographie qui traitera de la corruption de la justice dans l'excellent Confessions d'un commissaire au procureur de la république ou du système carcéral avec Nous sommes tous en liberté provisoire. Il est également un spécialiste de la Mafia avec notamment La Mafia fait la loi avec Claudia Cardinale ou encore la réalisation de la première saison de la série culte La piovra.
Sorti en 1966, El Chuncho est son premier véritable film engagé où transparaît déjà son fatalisme et son regard lucide sur les mouvements révolutionnaires malgré ses convictions politiques. Avec Franco Solinas au scénario, qui vient de collaborer à La Bataille d'Alger de Pontecorvo, Damiani dresse un portrait au vitriol de son héros pseudo-révolutionnaire, en démontrant dès la première séquence, intense et cruelle, l'ambiguité de ces guerilleros qui ne font que perpétrer la même violence que leurs ennemis de l'armée mexicaine. Plus tard, dans une scène magistrale qui fait songer à Germinal ou aux pires heures de l'Epuration, il n'hésite pas à présenter le peuple comme un être assoiffé de vengeance et de sang qui vient réclamer justice chez un propriétaire terrien. Amer et lucide, le duo Solinas-Damiani fera dire au Don "Vous me tuez parce que je suis riche ?". "Non, c'est parce que nous sommes pauvres...", lui répondra José Manuel Martin, acteur incontournable du western italien (Un Pistolet pour Ringo). Enfin, ce film est le précurseur d'un sous-genre du western italien, le western Zapata qui en se centrant sur la révolution mexicaine fait resurgir le climat de tension politique des années 1968. Comment ne pas songer en voyant le mercenaire Lou Castel dans son costume impeccable à Franco Nero dans El mercenario et Compañeros ou encore à John Steiner dans Tepepa. D'ailleurs ce film de Petroni recyclera un thème musical de El Chuncho ainsi que le personnage du gamin révolutionnaire demandant au gringo s'il aime le Mexique. Ce n'est donc pas un hasard de retrouver Solinas, qui traitera de manière similaire ce thème révolutionnaire dans Queimada, au scénario de ces westerns Zapata.


DES TALENTS À VOLONTÉ


S'il excelle dans le fond, El Chuncho est aussi magnifiquement servi par ses artistes. La photographie de Tony Secchi et les décors de Sergio Canevari sont sublimes. La musique de Luis Bacalov, qui retravaille ici quelques thème de Django, est emblématique du genre avec ses chants folkloriques et ses airs de guitare séche qui renvoient à Ennio Morricone qui apparaît au générique en tant que superviseur. En réalité, la B.O. a bien été concoctée par Bacalov mais les producteurs vouliaient surfer sur la notoriété du Maestro qui ne fit que prêter son nom à son ami compositeur... Acteur indissociable du cinéma politique italien (voir ses collaborations avec Petri, Rosi, Lizzani...), Gian Maria Volonté campe ici l'un des personnages les plus attachants et anarchistes du genre. Totalement investi, il se livre corps et âme et signe une performance extraordinaire soulignant l'ambiguité de son personnage picaresque, pathétique, cruel, mais tellement sympathique et humain. A ses côtés, Castel (qui sort du film choc Les Poings dans les poches de Bellochio) campe un triste sire qui ne boit pas, ne fume pas, ne s'intéresse pas aux femmes mais seulement à l'argent. Ce duo de narcissiques destinés à s'entretuer qu'il campe aux côtés de Volonté est inoubliable.


Si on ajoute une Martine Beswick, future James Bond girl dans Opération Tonnerre, épatante en guerillera caliente, un Klaus Kinski complétement déchaîné en prêtre révolutionnaire scandant ses sermons à coups de grenades, on obtient un grand film, à la fois divertissement populaire et chronique politico-ironique dotée d'une conclusion.....


(Retrouvez l'intégralité de la critique consacrée à l'édition Blu Ray-dvd de CarlottaFilms ainsi que l'évaluation de la partie technique par ici : http://www.regard-critique.fr/rdvd/critique.php?ID=6596)

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le 29 nov. 2021

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