Étrange polar où les gangsters d’une triade procède à l’élection de leur président pour deux ans. Tradition centenaire, elle n’est toutefois pas imperméable à la corruption et aux arrangements. Comme une élection politique plus classique en somme. Tous ces malfrats ont tout de même un code, qui maintient l’organisation en vie mais qui en tue certains également, les plus veules ou les plus arrogants. Il sont pourtant tous« frères », ou « oncles ». Pour appuyer le côté traditionnel, une cérémonie est même célébrée au moment du passage de témoin, lui-même aussi symbolisé par une présence matériel, un sceptre sculpté dans le bois, qui permettait, avant l’avènement des télécommunications, de prouver qu’on était bien le nouveau président.
Tout le film se déroule à un rythme doux, sans à-coups, ce qui rend les quelques scènes de violence d’autant plus efficaces.
La musique aussi joue un grand rôle dans l’incubation du spectateur. Entêtante, lancinante, elle revient comme un envoûtement, à intervalle régulier, et ajoute au sentiment mélancolique et fataliste qui émane de cette œuvre singulière, au style presque documentaire sous certains aspects.
Sans concession, ancrée dans le réel, cette production éthérée, cadrée au plus près des personnages, imagine un nouveau regard sur le grand banditisme, entre Scorsese et les premiers John Woo. Après le western crépusculaire, voici le film de gangsters crépusculaire.