Aaah , la bagarre ! Quel plaisir de se friter un bon coup histoire de décompresser après les cours, voilà une activité des plus saines qui permet d'évacuer son énergie refoulée. Comme dirait Jean-Paul Loth : "c'est là qu'on voit les hommes !". Et puis c'est même, pourquoi pas, un solide remède pour évacuer ses envies sexuelles de jeune taureau. Notre héros justement, sympathique et grand gaillard, beau gosse mais largement soupe au lait, est très amoureux d'une jeune et belle adolescente ce qui le perturbe beaucoup dans sa virilité. Il ira même jusqu'à caresser rapidement les plaisirs du piano et de la poésie pour tenter de séduire sa belle. Mais bon, c'est (presque) un homme nom de nom ! Il ne peut s'empêcher d'aimer les plaisirs de la bagarre ! Même si il n'a rien d'un grand combattant, bien au contraire. Aucune importance, ce qui compte c'est le courage et l'énergie qu'on y met. Se sentir exister en défendant l'honneur de son clan, voilà une bonne raison pour la bagarre ! Viré pour désobéissance aux règles militaro-scolaires, il imposera bien vite sa virilité primitive dans sa nouvelle école.

Dans "élégie de la bagarre", on se croirait par moment dans "la guerre des boutons" sauf que les garnements sont des adolescents et que le système en place est bien moins libertaire. Ils inventent des armes aussi délirantes qu'inutiles comme la lame de rasoir dans la visière de casquette, les frondes à pics, etc. Inutiles car elles serviront finalement peu. Chacun préfère hurler bien fort pour faire entendre sa force, à la manière des jeunes coqs sans cervelle. Suzuki décrypte très habilement une jeunesse qui se perd dans un système rigide et désuet. Il n'est pas là pour filmer des combats mais plutôt pour l'idée même de la bagarre, moyen primaire de socialisation où on se jette dessus sans aucune stratégie pour montrer qu'on est des hommes, une bagarre sans code qui tisse les liens sociaux comme dans "la guerre des boutons".

En plus de ce concept déjà très anarchique, Suzuki se délecte à faire voler en éclat la cohérence de son récit en pariant sur une ironie comique omniprésente qui passe bien avant le reste. Tout est prétexte à des scènes nonsensiques aux cadrages surréalistes qui se rit subtilement de la bêtise des jeunes élèves qui ne savent pas trop ce qu'ils font mais s'en fichent éperdument. Rien n'est sérieux avec Suzuki, encore plus dans ce film. Pas de vrais héros ni d'héroïsme, pas de méchants ou de véritable haine en face. Juste l'entrain et la folie des jeunes qui aiment la bagarre ! Au final c'est un joyeux délire satirique à l'ambiance unique et typique des excès de Suzuki : inventif, décalé, critique, graphique et à contre courant mais aussi assez déroutant. Enfin, c'est déjà pas mal puisqu'il fait tout son possible pour dynamiter un scénario de commande basique et ultra codé et termine même sur une petite morale qui légitime le sujet, la bagarre ! Bon moyen de devenir un homme, un vrai, avec des c..... !

Sur le compte de la créativité de Suzuki, la simple scène ou Machiko fait ses adieux à Kikoku regorge de plans exquis (le plus invisible, un mouvement de caméra hallucinant d'intensité au moment ou Machiko se retourne..). C'est moins voyant que dans ses autres films mais la touche visuelle de Suzuki est ici encore de chaque instant.
drélium
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le 17 juin 2011

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drélium

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