Plusieurs choses me viennent à l’esprit en repensant à ce film. Une esthétique méticuleuse et moderne, des montages parallèles offrant de très beaux moments, la présence rare mais marquante de légère musique électronique qui dénote et pourtant fonctionne si bien, une caméra si souvent bien placée proposant une quantité d’angles et de contraste justes et beaux, des décors et costumes qui ne sont jamais écrasants, et puis surtout des images d’archives qui nourrissent le récit et qui nous accompagnent dans ce film.
En effet, tout au long du film, nous avons l’image d’un train orné de couronnes de fleurs qui parcourt l’Italie. Qui est-il ? Que fait-il ? C’est le train du Soldat Inconnu Italien. Ce train est un symbole pour ce qu’il renferme mais surtout par ce qu’il traverse, une Italie qui au sortir de la guerre n’arrive pas à se relever, même si l’Italie fait partie des pays vainqueurs. La scène de rencontre entre les deux divines, Sarah Bernhardt et Eleonora Duse, le dit et le raconte si bien. Sarah reproche, sans mâcher ses mots, à la Duse d’avoir oublié ce qui venait de se passer. Une guerre terrible, odieuse et monstrueuse, et pourtant, Eleonora remonte sur scène pour jouer une pièce qui prouve encore son talent après 12 années d'absence mais c'est hords du temps, car elle offre un spectacle d’avant-guerre avec des émotions d'avant-guerre pour des spectateurs d’avant-guerre.
La première partie du film raconte ce retour sur scène, la deuxième heure raconte une Eleonora qui voudrait vivre un renouveau comme le pays tout entier l'espère mais le train du Soldat inconnu avance de plus en plus vite, d’une Italie libérale il atteint une Italie fasciste et se rapproche de son terminus.
Ce film tente l’audacieuse analogie entre un pays qui s’assombrit et une grande actrice qui se voudrait phoenix. À de nombreuses reprises le film raconte plus qu’il n’en dit créant ainsi une certaine atmopshère mystique et poétique.
Cette œuvre est à la fois biographique, historique et esthétique. Cet assemblage impose un niveau de technique qui est totalement réussi. L’exercice est exigeant et ardu, mais derrière la caméra un chef d'orchestre a réussi à maitriser ce challenge.