Des mois que je souhaite voir En Corps (malgré son titre) car j'aime les films où la danse et le corps sont célébrés. 


À tel point que j'accepte même d'endurer toutes les scènes de comédie (souvent navrantes) qui s'intercalent entre les scènes de danse (souvent excellentes) de films pour ados (souvent pour ados). Y compris celles des 48 Sexy Dance ! Juste pour apprécier ces moments où le corps s’élève, traduit, raconte, questionne. Enthousiaste donc je suis, d'autant plus quand je lis le nombre conséquent de critiques favorables.


Mais voilà, comme l'héroïne au début du film, Cédric Klapisch se ramasse, se vautre, et sans grâce. Nous sommes face à un bon plat, pas celui qu'on cuisine, celui qu'on fait dans la piscine.


Il n’a sûrement pas révisé ses gammes puisqu‘il parvient à salir les scènes de danse (pourtant chorégraphiées par le talentueux Hofesh Shechter) ! Ce qui ne s'avérera pas problématique dans un documentaire sur la poterie moldave mais qui l'est beaucoup plus dans le cas présent. Abîmées par un cadre scolaire, des mouvements de caméras qui ne semblent pas savoir quoi raconter ("tant que ça bouge, ça passe ?" - LA RÉPONSE EST NON), et un montage sans imagination.

Continuons sur ce dernier : tant de scènes vides d'intérêt font que le film s'égare, dévient d'une mollesse contre-indiquée. Quitte à continuer de lester le film, mentionnons aussi ces flashbacks qui n’apportent rien à ce que les dialogues ont déjà faits. Le montage bavarde, nous saoule sans que l'ivresse soit joyeuse.


Les premières déceptions en phase de digestion, je tente de rester positif et décide alors de me concentrer sur les scènes de comédies où la maîtrise de Klapisch est connue.


Aïe. 


Évoquons tout d'abord la litanie de personnages secondaires sans épaisseur, qu'on fait apparaître le temps de quelques dialogues, puis disparaître en arrière-plan. Étrange. Serait-ce comme un premier court métrage d'étudiant où l'on veut tout mettre car on ignore s'il y en aura un deuxième ? J’ignore en tout cas ce qui l’a motivé à faire apparaître autant de personnes qui n'apportent rien ou si peu à la dramaturgie. 


Et du côté des interprètes ?


Ouille.


Je le dis avec toute ma bienveillance car je la sens si sincère dans sa démarche, mais Murielle Robin échoue lamentablement dans ce long. Ampoulée par des dialogues qui enchainent les lapalissades piquées aux pires coachs "influenceurs bien-être" de TikTok, elle hérite d’une figure archi connue, celle du personnage cabossé (mais évidemment au grand cœur), qui distille ses conseils à une jeune âme en doute. Cela fonctionne dans certains films, mais ici on se retrouve face à une sorte d'oracle de fête foraine.

François Civil, lui, hérite d'un rôle de kiné benêt. « Kiné benêt », ça sonne mal, et ça tombe bien, il joue mal. On suspecte que Klapisch était en vacances lors de ses scènes tant elles mettent mal à l’aise. D’ailleurs, on en viendrait même à conseiller aux apprentis acteurs de regarder les scènes de colère de Civil. Ils sauront ainsi ne surtout pas quoi faire. Avec la scène de la mort du personnage de Cotillard dans Batman, voilà deux bons tutos pour débuter sereinement une carrière.

Dans le rôle principal, Marion Barbeau, première danseuse à l'Opéra de Paris est sûrement celle qui s'en tire le mieux alors que c'est son premier rôle. Dans les scènes de danse naturellement où elle excelle, mais aussi dans la majorité de celles de jeu (pas toutes, car certaines restent difficiles à accueillir). Cela passe grâce à son investissement, son envie et sa sincérité. Des qualités qui semblent avoir été oubliées par le pourtant talentueux Denis Podalydès, qui ne doit même pas savoir sur quel plateau il se trouve, vu qu'il débite ses dialogues sans y croire et n'incarne pas son personnage.


La scène d’ouverture, elle, était pourtant bien menée, servie il est vrai par un cadre somptueux. 

J’y ai cru. 

On décide d'accepter sans rechigner la simplicité du propos pour se laisser emmener dans la suite du récit. 

J’y ai vraiment cru. 

Sauf que l’habituel et pourtant rodé duo de co-scénaristes a cru cachetonner pour un épisode de "Un, dos, tres". Que de poncifs, de lourdeurs, de pensées stéréotypées pour un film que j’espérais animé d'une énergie légère et salvatrice. 


Que restera-t-il alors de ce film ? Les décors. C'est pas beaucoup mais on se raccroche à ce qu'on peut. L'incroyable Opéra Garnier, mais aussi un superbe lieu de résidence d'artistes dans lequel on souhaite s'installer vivre, et un enivrant littoral de la Bretagne. Toutes mes félicitations à la personne chargée des repérages de m’avoir tenu alerte devant ce film qui n’incite pas décidément pas au mouvement, mais à la léthargie.

Gil-les
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le 9 nov. 2022

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Gilles Rammant

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