En grandes pompes par pierrick_D_

A Boissy-sous-Saint-Yon,dans l'Essonne,presque tous les habitants appartiennent à la famille Robinard,qui est divisée en deux branches qui se détestent.A l'exception de Marcel et Gustave,cousins qui s'adorent bien que n'étant pas du même clan.Mais voilà que le même jour Marcel se marie et Gustave enterre son grand-père,situation compliquée car Tatave est le témoin de Cécel,lequel a promis de se présenter à l'enterrement.Nos deux compères vont donc jongler toute la journée entre les deux cérémonies,courant sans cesse entre mairie,église et cimetière au milieu d'un village où ont lieu en plus une course cycliste et un défilé de majorettes,ce qui ajoute à la confusion.Le film est réalisé par André Teisseire,qui n'est pas spécialisé dans le film sirupeux mais plutôt dans les émissions de télé.Employé à la télévision aux temps héroïques de l'ORTF,il a mis en boîte plein d'émissions dans les années 60-70,oeuvrant aussi bien sur le Tour de France,d'où peut-être la course de vélo du film,que sur "Age tendre et tête de bois" ou "Les jeux de 20 heures".Mais au début des seventies,il s'est brusquement senti une âme de cinéaste et a dégainé trois films en deux ans.Le premier,"Les déracinés",traitait de la Guerre d'Algérie puis il a enchaîné avec l'érotique "La dévoreuse" pour finir sa carrière cinéma par ce "En grandes pompes" qui relève de la grosse comédie franchouillarde.Trois genres différents donc,et trois oeuvres passées totalement inaperçues et aujourd'hui complètement oubliées,Teisseire retournant ensuite à ses travaux télévisuels et décédant en 95.Ceci dit,sa réalisation n'est pas mauvaise,il filme correctement et sait composer ses plans.Il y a même quelques idées originales qui surnagent,comme les plans de la partie de foot filmés au ras du sol,dans les pieds des joueurs.Là où ça ne va plus du tout,c'est au niveau du rythme,gravement absent,ce qui est rédhibitoire dans une comédie,sans parler des effets sonores débiles qui sont supposés être drôles.Mais le véritable auteur du film est Roger Pierre,qui signe le scénario et les dialogues et forme avec son compère Jean-Marc Thibault le duo vedette du film.Alors Roger Pierre et Jean-Marc Thibault,pour les plus jeunes qui doivent carrément ignorer ces noms,c'était le duo comique le plus célèbre et le plus populaire de l'époque,devançant même Poiret et Serrault.Leur succès était énorme et ils écumaient les scènes de music-hall,faisant se bidonner la France entière.Vu d'aujourd'hui,avec le recul,cet engouement parait assez incompréhensible car leurs sketches bêtas et gentillets font pâle figure par rapport à l'humour cynique et incisif actuel.C'était bien avant Coluche et le grand virage politico-agressif de la rigolade à la française,et ça permet de mesurer l'évolution de la société en quelques décennies car assurément les deux rigolos ne feraient pas un fauteuil de nos jours.Le film baigne donc dans cet humour désuet d'une dramatique faiblesse,avec des gags pas drôles qui tombent systématiquement à plat.La stupidité est omniprésente et la description d'une France profonde arriérée et consanguine s'apparente à du mépris et crée parfois un certain malaise.Il faut dire que Pierre et Thibault étaient un peu au bout du rouleau à cette période,ils se sépareront artistiquement en 76 et ce sera leur dernier film commun.Cette très laborieuse comédie tournant au ralenti en dépit de l'agitation factice déployée aligne les plaisanteries désolantes usées et les facilités niaises comme ces dialogues qu'on n'entend pas car les personnages se les murmurent à l'oreille.Les protagonistes sont d'ailleurs les seuls à se marrer et Thibault montre son cul dans les vestiaires du stade.Pour être juste,il faut reconnaître que deux ou trois séquences finissent par atteindre la folie burlesque recherchée,comme celle de l'embouteillage au milieu de la commune qui voit se télescoper les deux cortèges,les coureurs cyclistes et les majorettes,ou celle de l'accélération du corbillard qui perd en route les personnes qui le suivent.Reste aussi un élément intéressant,cet instantané d'une France rurale disparue,quand il y avait dans les villages une vie sociale,commerciale,sportive et associative.Les comédiens surjouent à mort pour pallier aux insuffisances du script et des dialogues,surtout les deux héros qui donnent des performances mongoloïdes assez consternantes.Quelques acteurs connus,dont certains habitués de ce type de guignolades, sont venus cachetonner là,à l'image de Jean-Marie Proslier,Henri Genès,Micha Bayard,Dora Doll,très sexy en serveuse nympho,une Ginette Leclerc qui jette ses ultimes feux,ce sera un de ses derniers films,loin de la femme du boulanger pagnolesque,ou le nain Jimmy Karoubi.