L'idée directrice de ce film est géniale d'originalité : le contrepied de tous les films sur la Seconde guerre mondiale qu'on a pu voir. Ce n'est pas l'histoire d'un père français qui recherche son fils dans la débâcle provoquée par la victoire nazie en 1939 ; c'est, à rôles opposés, l'histoire d'un père allemand qui court, en prenant des risques fous, à travers les campagnes françaises envahies par l'armée de son pays, afin d'y retrouver son fils emporté malgré lui dans le flot d'exode des vaincus.
Le fils en question n'est pas un jeune homme ; c'est un petit garçon de 8 ans. Par conséquent, il n'a pas l'autonomie suffisante pour s'extraire de la débandade. Il est au contraire contraint au silence et à la supercherie car, en dépit de son jeune âge, il comprend que, pour continuer à être pris en charge en tant que petit Français orphelin de guerre, il ne doit à aucun prix parler allemand !
Dans ces conditions, comment le père trouvera-t-il trace de son fils ? Et même trace de sa survie aux mitraillages des convois par l'aviation... germanique ?
Je ne viens de relater que les quelques premières minutes. La suite du film exploite avec ingéniosité l'aspect incongru de cette situation extra-ordinaire. Avec ingéniosité, avec parfois la drôlerie des comiques de situation, avec réalisme aussi, mais en évitant soigneusement le double écueil : la mièvrerie et son exact contraire, la complaisance dans la violence.
Toute guerre fait des morts et des douleurs ; ce film le montre sans détour mais ne s'y vautre jamais. Pour un peu, en pleine déflagration mondiale, on aimerait quand même le genre humain... et je crois que tout n'est pas définitivement perdu.
Au-delà d'une histoire surprenante qui déborde de rebondissements plausibles, En Mai, fais ce qu'il te plait véhicule en filigrane un fin documentaire sur cette page d'histoire. L'aspect pédagogique sur l'Exode est présent dans le corps du film, constamment mais sans lourdeur (par exemple, au second plan des images, les messages tracés à la craie sur les portes abandonnées par les fuyards, visant à donner des indications grossièrement codées aux parents et amis qu'on n'avait pas pu prévenir à cette époque sans téléphone. Genre "Nous allons chez les cousins d'Amiens").
Si l'Histoire vous intéresse, restez devant l'écran pendant le générique de fin : il est illustré de nombreuses photos d'époque profondément parlantes.
Au demeurant, En mai, fais ce qu'il te plaît mérite lui aussi l'immense compliment qu'Albert Einstein avait fait à Charlie Chaplin à propos de ses films muets : "Le monde entier vous comprend sans que vous ayiez besoin de prononcer le moindre mot".
Pour moi, deux exceptions : la formule mathématique de la relativité (je ne prétends l'avoir comprise que si mon petit auditoire est exclusivement littéraire). Et le titre de ce film, que je cherche toujours à comprendre (votre aide sera déterminante).