Atroce réalité : pauvres bêtes.

Amis des bêtes, attention : on est ressorti de la séance la boule au ventre, le moral dans les chaussettes et les yeux boursoufflés, étant très sensible au thème de la cruauté envers les animaux, on a été plus que copieusement servi. Eo vous raconte ainsi l'histoire d'un âne de cirque qui parvient à s'évader...mais avant de crier intérieurement "Yes !" à la lecture de ce synopsis (comme on l'a fait en pensant voir un film mignon), sachez simplement qu'il ne s'en échappe que pour mieux se faire torturer, de toutes les façons que vous pouvez imaginer (et même celles que vous n'aurez jamais pensé voir...). Voici donc que le gentil petit âne

tire une charrette lourde en plein soleil et en se faisant aboyer dessus par un molosse, porte des gamins bruyants dans un circuit éternellement identique, puis passe par une forêt où se déroule une battue sanglante, puis tombe dans une ferme à fourrure (à ce stade, on a commencé à sentir nos tripes faire des demi-tours), puis dans une ferme de reproduction forcée, dans des transports et abattoirs écœurants de cruauté.

On savait pertinemment comment l'histoire allait finir, et pourtant, on n'a pas pu se lever de notre siège, préférant moucher et souffrir en silence comme l'ensemble de la salle, une communion de papiers froissés et de jurons soupirés pour dire combien il y en a marre de ces pratiques légales qui n'ont rien d'humain, d'éthique, de normal, en soit. Après Okja, on avait déjà décidé de revoir mieux ce que l'on avait dans l'assiette, Eo nous en a remis une couche en y ajoutant toutes les maltraitances animales existantes, et on déplore que la liste soit toujours si longue. Le film pâtit néanmoins de sa mise en scène clinquante qui cherche outrancièrement la récompense en ce Festival de Cannes, ce qui est vraiment dommage car on perd parfois de vue le propos ("Pourquoi il y a un skieur qui traverse ?! Il ne neigeait pas !", "Allez l'éolienne sur filtre rouge, tu vas voir qu'on va tourner simultanément, comme dans une lessiveuse... Et voilà.", "On peut avoir le nom du fou qui a fait la musique, juste pour savoir à qui on envoie la facture Quies"...). On se pique aussi à penser qu'il y a toujours un brin d'hypocrisie à ce genre de films qui dénoncent la maltraitance animale...en faisant tourner un animal (surtout vu les situations stressantes reproduites dans le film, même pour de faux... Le logo "bien-être animal" à la fin nous a fait rire jaune). Néanmoins, pour le bien de la majorité animale, Eo est un visionnage plus que nécessaire, une douleur poignante du spectateur (un véritable marquage au fer rouge, impossible de l'oublier) qui permettra un jour, on veut y croire, d'avoir un vrai respect et une bienveillance sincère à l'égard des animaux. Pauvre bête, vraiment : pauvre bête.

Aude_L
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le 30 mai 2022

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