L'univers et l'histoire ne sont pas subtils du tout. C'est ultramanichéen et moralisateur.
Il y a quatre camps :
- le monde des ours excepté Ernest,
- Ernest,
- le monde des souris excepté Célestine,
- Célestine.
C'est tellement mesuré, millimétré, consensuel, formatté que ç'en devient mathématique.
Et les différents camps se rejoignent, se séparent, puis se rejoignent tous à la fin dans une conclusion artificielle que l'on aura vu venir dès le début, peut-être même avant que le film eût commencé.
En regardant le film je n'ai pu m'empêcher de penser à Charles Perrault, avocat de formation qui devint, par Colbert, responsable de la politique culturelle sous Louis XIV. Ses contes sont moralisateurs au possible, il y prend le lecteur à partie et lui dicte directement sa conduite, une conduite qui reflétait alors l'ordre royal et la morale religieuse (ai-je déjà dit à quel point je vomis les religions ?)
J'ai toujours trouvé malhonnêtes les auteurs qui dictent, imposent à leurs lecteurs. ça donne l'impression que ces auteurs eux-mêmes ne sont pas convaincus par le message qu'ils véhiculent, et qu'eux-mêmes ont envie de dire autre chose, mais ils ne le font pas, ils refoulent leurs pensées véritables, pour X raisons. Au final, ces mêmes auteurs véhiculent involontairement d'autres messages, des messages hors de leur contrôle, et donnent envie de leur désobéir. C'est pareil en politique. C'est pareil en religion. On y retrouve une autorité qui dicte, une verticalité qui travestit le pouvoir de l'art littéraire.
Dans Ernest et Célestine on retrouve le message de la bien-pensance et de la tolérance dogmatique, du politiquement-plus-que-correct, pour ne pas dire du lèche-souverain. Et ce message puant de consensualité convenue est habillé avec les codes du conte et le dessin des histoires de notre enfance. Ce qui en fait un message insidieux et reflète les motivations peu charitables derrière Ernest et Célestine. Les auteurs d'Ernest et Célestine veulent faire rentrer de force dans la tête de nos enfants la Morale Ultime de la Tolérance Universelle où tout est bon, tout est bien et tout le monde est heureux, un sourire béat idiot fiché sur la tronche et où l'on ne dit ni pense plus rien.
Des codes du conte on retrouve les animaux anthropomorphes dont la relation entre eux est définie par la chaîne alimentaire.
Le dessin est léger, aérien, beau, c'est un bonbon pour les yeux, c'est d'ailleurs ce qui a valu les points de la note. Le dessin a des couleurs douces, pastels. Les traits incomplets suggèrent les formes que l'on complète naturellement soi-même. On retrouve ce genre de dessin dans les illustrations des contes de notre enfance.
Chez les adultes ce dessin rappelle cette fibre enfantine, quand le dessin s'adresse directement aux enfants.
Et les mouvements amples des protagonistes se placent dans l'aspect figuratif du conte, où tout est image, figure, symbole. Mais ici, ils sont allés trop loin. Chaque mouvement précipité appelle une maladresse, c'est le gag de la peau de banane répété, encore et encore.
Un point de plus parce que j'ai quand-même pas vu le temps passer. En grande partie grâce au dessin et à l'animation dynamique. Donc un point de plus. Mais je ne peux pas passer à côté de la stérilité du propos de fond.
Lorsqu'un beau dessin habille un propos tel qu'ici, cela donne envie de vomir. Des informations contradictoires arrivent au cerveau, c'est beau mais le fond est mielleux et la proposition artistique est malhonnête.
Et j'ai trop souvent entendu "Mais c'est pour les gamins, c'est bon, on s'en fout..." Cette remarque est horrible. Non les enfants ne sont pas des poubelles à idées avortées dont les adultes ne voudraient pas. Bien au contraire, les histoires que l'on offre à nos enfants doivent être d'autant plus soignées. Et nous devons faire d'autant plus attention aux propos qui passent sous la ligne de flottaison. Un enfant auquel on offre une histoire malhonnête se sentira floué, trahi. Comme un adulte peut aussi ressentir ce sentiment.